Survivantes

William DUPUY


This post is also available in: French

Une pluie drue et tropicale tombe depuis des jours, comme souvent en décembre à l’est de la République Démocratique du Congo. Six heures de moto sur une piste boueuse me conduisent à Hombo, petite ville situé à 150 kilométres de la frontière rwandaise, contrôlée par l’armée depuis peu. Le militaire en charge des renseignements me met en garde : « Si vous traversez le pont, nous ne pourrons plus garantir votre sécurité. Cela fait des années qu’aucun fonctionnaire de la province n’est allé sur le territoire des rebelles Maï-Maï ». De l’autre côté de la rivière, la population est livrée à elle-même et subit la loi des groupes armés. Les conflits à l’est de la RDC font des millions de morts depuis 20 ans. Viol et terreur sont maîtres en ces lieux. Subir la faim et la peur, fuir dans la forêt pendant que les rebelles pillent et brûlent les villages, voilà le lot quotidien de ces habitants oubliés du reste du monde. Les femmes, premières victimes de cette guerre sans fin, portent le fardeau d’une vie de violences, l’air sombre, la tête baissée. Comme perdues dans une nuit éternelle, dans laquelle elles auraient cessé d’appeler à l’aide. Les sourires sont rares, crispés. Elles sont peu bavardes sur leurs conditions de vie, étonnées quand je les questionne. Il faut alors les mettre en confiance et s’isoler pour qu’elles commencent à exprimer la douleur d’être femme dans le Nord-Kivu. Cette série de portraits, réalisée à la chambre 4×5, s’inscrit dans une volonté de montrer des femmes « ordinaires » du Congo. Un « ordinaire » qui fait froid dans le dos, rempli de mépris, de haine et de violence, le tout arrosé de bière frelatée qui rend les hommes fous. Prendre le temps de les écouter, c’est regarder en face la condition de ces « survivantes ».

 

Region : Nord-Kivu
Place : RDC

Number of photos : 15