SOUS LA TERRE LA VÉRITÉ

Miquel DEWEVER-PLANA


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Ce sont des squelettes au crâne défoncé, aux mains toujours attachées dans le dos, aux yeux encore bandés. Des hommes, des femmes, des enfants, massacrés il y a plus de 20 ans, que des anthropologues découvrent ces dernières années dans des fosses communes, un peu partout au Guatemala. Des cadavres de personnes disparues qui témoignent de la violence et de l’atrocité de la guerre civile qui a divisé le pays de 1962 à 1996. Le Guatemala est en effet le pays d’Amérique Latine où il y a eu le plus grand nombre de « disparitions forcées » : 45000 personnes auraient disparu; 85% étaient mayas. La plupart des disparitions ont eu lieu au début des années 80 sous les dictatures du Général Lucas Garcia et du Général Efrain Rios Montt, mais aujourd’hui encore la réalité de cet aspect de la guerre est souvent remise en cause. Les procès sont inexistants dans ce pays où règne l’impunité. Pourtant, l’échec aux élections de cet automne de l’ex-général Rios Montt, reconnu responsable de génocide par la Commission Vérité, lui a fait perdre son immunité et pourrait donc répondre de ses actes devant la justice. C’est là que le travail des anthropologues légistes est essentiel : l’analyse des os et des vêtements retrouvés permet de reconstituer les circonstances de la mort et parfois d’identifier les victimes. Autant de preuves de l’horreur des massacres perpétrés par l’armée, et de l’existence d’un génocide. Des informations qui seront la base d’éventuels procès et permettront la reconnaissance des familles comme victimes de la guerre. Après plus de 20 ans de souffrance et d’incompréhension, ces exhumations permettent surtout aux familles de commencer à faire leur deuil. Les analyses terminées, les restes des victimes sont en effet ramenés dans la communauté. Un détail vestimentaire ou une anomalie physique permettront de reconnaître un fils ou une mère : c’est à la façon dont elle est brodée que Jacinto reconnaîtra la tunique de sa femme, massacrée avec ses trois fils un matin de 1982. Le soir, il veillera et priera, comme le reste de la communauté, devant les quatre cercueils avant de les inhumer le lendemain. Restera ensuite l’espoir de voir un jour juger les responsables de ces atrocités.

 

Country : Guatemala

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