Loin, plus loin vers le Sud...

François-Xavier PRÉVOT


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Me revoici déjà, hagard, errant dans le labyrinthe imbécile et calculé d’un improbable supermarché, doublement catapulté au Royaume du luxe inutile et la profusion superflue. Le visage monolithique de la caissière a trop vite remplacé le regard de braise – un rien altier – et la démarche travaillée du touareg malien qui nous accueille pour nous faire visiter Tombouctou l’ensablée, Tombouctou l’usurpée… Pourtant, n’avais-je pas réussi, non sans mal, à me faire accompagner, pour cette occasion unique de dépaysement à moindre frais dans l’Afrique dite « sub-saharienne », par la seule femme (à ma connaissance…) capable de ne pas se laver les cheveux pendant 15 jours, ne pas prendre une douche chaude pendant un mois et de marcher 300 km à pied, sans proférer ne serait-ce que le début d’une plainte ? N’ais-je pas été ce bouc émissaire impuissant à résister aux attaques massives de moustiques kamikazes ? N’ai-je pas, aussi, survécu à l’eau de boisson tour à tour croupie, boueuse, chaude et, dans tous les cas, trop purifiée à coups de pilules chlorées ? Après tout enfin, ne suis-je pas revenu (presque) indemne des face-à-face répétés avec les hordes d’enfants sauvages de Mopti, arrêtant, dans un grand rire, de dégringoler de leur montagne d’ordures favorite pour venir, provocateurs, me planter dans les yeux leurs terrifiants regards d’enfants déjà trop adultes et me tendre le grand vide de leurs petites mains tremblantes et sales ? Oh, comme j’aimerais écouter un fois encore ces récits, devenus Légendes, des « Fous de Taoudenni » venus échanger, un mois de marche plus loin, le sel de l’enfer de leur mine contre une poignée de thé… – Monsieur, monsieur ? Vous réglez par carte bancaire, chèque ou espèces ? – Euh… repartir, fissa-fissa ?
“Far, farther south …”

Here I am already, haggard, wandering in the stupid and
obviously calculated labyrinth of an improbable supermarket, catapulted
twice over into the kingdom of useless luxury and of superfluous profusion.

The monolithic, absent face of the cashier at E.D.
(pronounce this “Ed”, it’s more friendly …) has too quickly replaced the
ardent gaze – a little haughty, and the gait (too?) deliberate
of the Malian Touareg who welcomes us and takes us to visit
sand-choked Timbuktu, usurped Timbuktu …

And yet, haven’t I succeeded, with difficulty it’s true, in
being accompanied on this unique occasion for a change of scenery
at little cost in the Africa, called “Sub-Saharan”, by the only
woman (to my knowledge …) capable of not washing her
hair for 15 days, of not taking a hot shower
for a month and of walking 300 km on foot, without offering
the mildest of complaints?

Have I not been the scapegoat, powerless against
the massive attacks of kamikaze mosquitoes?

Have I not, also, survived drinking water that was stagnant,
Or muddy, or warm, and always over-purified with
Chorine pills?

In the end, then, have I not returned (almost) unharmed from
repeated confrontations with hoards of wild children in Mopti,
halting them, in the midst of roaring laughter, in their slide down their favourite mountain of garbage, provocative, taking me in with the
terrified eyes of children grown old too fast and offering
me the great emptiness of their little hands, trembling and dirty?

Oh, how I would love to hear once more those now
legendary stories of “the Madmen of Taoudenni” come to trade, a month’s walk away, the salt from that devil’s hole of a mine for a
handful of tea …

– Mister? Mister? You have credit card, cash, cheque?
– Euh…leaving again, fissa-fissa?

 

Country : Mali
Place : Mopti, Gao, Sangha.

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