Centrafrique

William DANIELS


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La République centrafricaine est plongée dans une crise humanitaire sans précédent. Après un an de terreur imposée par la Séléka – une rébellion majoritairement musulmane -, ce sont désormais les milices chrétiennes anti-balaka qui, par vengeance démesurée, tuent et chassent tous les musulmans de l’ouest du pays. Des quartiers entiers sont assiégés, des femmes et des enfants sont attaqués à la grenade. Face au manque de soutien international, les forces africaines de la MISCA (Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine) et l’armée française peinent à contenir les massacres et les déplacements de population. Le pays compte près d’un million de déplacés, soit un quart de sa population, qui n’ont pas ou peu accès à la nourriture et aux soins. La Centrafrique a longtemps été considérée comme une crise oubliée en raison du manque d’investissement de la communauté internationale. Cela fait 40 ans que la République centrafricaine est en état de vulnérabilité chronique. Selon l’OMS, l’espérance de vie -la deuxième plus faible au monde – est de 48 ans. Le système de santé, quasi inexistant, repose en grande partie sur l’engagement d’ONG internationales. Le taux de malnutrition était de 38 % avant la crise actuelle. Le paludisme y est holoendémique : chaque habitant du pays est infecté au moins une fois par an. Depuis décembre 2013, je me suis rendu plusieurs fois en Centrafrique. J’ai couvert la catastrophe humanitaire dans les camps de déplacés de la capitale, comme l’impressionnant camp de l’aéroport M’Poko qui, en quelques jours, s’est vu grossir de 100 000 personnes en grande majorité chrétiennes ou animistes, qui fuyaient les combats entre Séléka et anti-balaka. Je me suis aussi rendu de nombreuses fois dans les enclaves musulmanes de PK-5, Bégoua, et Boda. Dans chacune le scénario est similaire, les habitants et ceux y ayant trouvé refuge sont assiégés. Quiconque tente d’en sortir risque d’être abattu, parfois même égorgé, démembré. Les anti-balaka qui entourent les enclaves jettent à l’aveugle des grenades qui atteignent au hasard des femmes ou des enfants. La situation sanitaire y est déplorable. L’accès aux soins est très limité. À Boda, la situation était encore plus critique lors de ma visite en avril dernier. La nourriture était difficilement acheminée pour les quelque 10 000 habitants de l’enclave, souvent bloquée par les opérations de harcèlement des anti-balaka sur la route de Bangui. De nombreux enfants souffraient de malnutrition sévère, principalement ceux de l’ethnie peule, discriminée au sein même de l’enclave. Les soins étaient assurés par deux infirmiers et un médecin à mi-temps complètement débordés. Sous la pression de l’armée française, l’hôpital de la ville venait tout juste de rouvrir mais, étant situé à l’extérieur de l’enclave, il était bien trop dangereux pour les musulmans de s’y rendre.

 


 

The Central African Republic has been plunged into an unprecedented humanitarian crisis. After a year of terror led by the mainly Muslim rebel Seleka group, anti-Balaka militia wreaked revenge on the Muslims in the west of the country who fled or were killed. Entire districts were under siege; even women and children were victims of grenade attacks. There was little response from the international community. Soldiers with the African-led International Support Mission in the Central African Republic (MISCA) and French troops struggled to stop the massacres and population movements. Nearly one million (one fourth of the population) fled, becoming displaced persons, needing food and medical care. For a long time the crisis in the Central African Republic was almost forgotten, having triggered little interest or support from the international community. The Central African Republic has been unstable and vulnerable for forty years now. According to the World Health Organization, life expectancy is the second lowest in the world, at only 48 years. The country has no proper healthcare system and relies on the commitment of international NGOs to provide medical care. Before the current crisis, the rate of malnutrition was 38%. Everyone in the country today suffers from malaria, with at least one attack a year. I have made a number of trips to the Central African Republic since December 2013, and have covered the humanitarian disaster, seeing camps for displaced persons in the capital city, such as M’Poko, a staggering sight at the airport where in the space of just a few days there was an influx of 100 000 people, mostly Christians and animists, fleeing the fighting between Seleka and anti-Balaka forces. On a number of occasions I have traveled to the remaining Muslim communities, now isolated enclaves at PK-5, Begoua and Boda. Each site had similar scenes, with residents and others who had found shelter there ending up under siege, afraid to leave for fear of being killed, by gunshot, their throat cut, or being dismembered. Anti-Balaka fighters around the enclave throw grenades randomly, hitting women and children. Hygiene and health are appalling, and there is only minimal access to medical care. When I returned to Boda in April this year, the situation was even more critical. It was difficult to get food supplies to the 10 000 people living isolated in the enclave there, as anti-Balaka harassment tactics often block the road to Bangui. Many children are suffering from severe malnutrition, mainly Peul children as the Peul ethnic group is subjected to discrimination within the enclave. Some medical care was provided by a part-time doctor and two nurses, but they are overwhelmed by the demand. The local hospital responded to pressure from the French forces, and recently opened again, but as it is outside the enclave, it was still too dangerous for Muslims to go there.

Support : TIME Magazine, Le Monde, Tim Hetherington grant, Getty Grant
Country : Rép. centrafricaine

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