GAYS IN THE MILITARY


Vincent CIANNI



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De 2009 à 2013, Vince Cianni a rencontré une centaine de militaires américains, hommes et femmes, toutes générations confondues – l’un des vétérans est né en 1923 -, tous homosexuels et ayant servi sous la loi du “Don’t Ask Don’t Tell” (« Ne Demandes pas Ne Dis pas »), ou DADT. Mise en place en 1993 pour éviter les tensions, elle interdisait d’aborder le sujet de l’orientation sexuelle des recrues lors de leur intégration et pendant toutes les années de leur service. Le système a vite prouvé son inapplicabilité, depuis la difficulté de cacher sa vie personnelle à des collègues que l’on côtoie au quotidien, de surcroît dans un environnement la plupart du temps stressant, à la souffrance engendrée par l’aversion ouverte de l’homosexualité. L’un des vétérans analyse : « It’s 17 years after the DADT, 14,000 persons have been discharged. The policy has been wrong the entire time. (…) That takes away from what really you should be completely focused on your mission. » (“17 ans après le DADT, 14000 personnes ont été acquittées, cette politique était mauvaise du début à la fin (…) Cela vous éloigne de ce sur quoi vous devriez être complètement concentrés dans votre mission”).  Certains sont plus cyniques : « Lots of gay people walk out, tired of having to deal with the lies, the stress, and the fear. And every one of those people who walk out takes with them years of training, experience, and money that have been invested in them. » (“Beaucoup d’homosexuels se sont mis en grève, fatigués d’avoir à gérer les mensonges, le stress et la peur. Et chacune de ces personnes qui ont manifesté ont pris avec elles les années d’entrainements, d’expérience, et l’argent qui a été investi en elles.»)  La loi a été révoquée par Barack Obama en septembre 2011. Sur le podium avec le président le jour de l’annonce officielle, Maria Zoe, l’une des militaires interviewée, se souvient de lui dire : « Make sure you spell it right! » (« Assurez-vous de l’orthographier correctement !”) Elle commente : « He laughed; the Secret Service didn’t tackle me. All I could do is picture John McCain running down the aisles screaming: ‘It’s not valid!’ Fortunately, he did spell it right. » (“Il a ri ; les services Secrets ne m’ont pas plaqués au sol. Tout ce que je pouvais faire était d’imaginer John McCain courir dans l’allée en criant : « Ce n’est pas valide ! » Heureusement, il l’a bien orthographié. ») Le ton des témoignages varie, suivant qu’ils évoquent le contexte familial, le rapport du sujet à son homosexualité, assumée ou non — plusieurs hommes se souviennent être allés à l’armée inspiré par le fameux adage “Young men will go to war and become real men” — (« Les jeunes hommes vont partir à la guerre et devenir de vrais hommes »), puis leur expérience au sein de l’armée. Certains en veulent au gouvernement : « Forget about the Soviets who were supposed to be our enemy; my country was chasing after me » (Oubliés les soviétiques qui étaient supposés être nos ennemis ; mon pays me chassait moi »), se souvient l’un d’entre eux. « They are fucking with my flag by trying to make it into something that it’s not, where government is run by religion and it’s ok to oppress » (“Ils se sont foutus de mon drapeau en essayant d’en faire quelque chose que ça n’est pas, où le gouvernement est dirigé par la religion et où l’oppression est acceptée. »), se rappelle un autre. D’autres ont tellement souffert qu’ils ont développé un syndrome de stress post-traumatique ou confirmé des tendances suicidaires. D’autres, enfin, ont tout perdu alors que l’armée représentait leur seule chance d’émancipation financière, sociale, et parfois émotionnelle, et qu’ils s’y étaient révélés brillants.Le premier tiers des témoignages est le plus indigeste, donnant à voir de la société les cas les plus violents, les plus injustes, les plus inacceptables, mais là n’est pas le propos. A ceux qui sont rejetés, dénoncés, violés, s’ajoutent ceux qui ont été encouragés : « I am in an amazing place now and it’s because of everyone supporting me » (« Je suis dans un endroit incroyable maintenant et c’est parce que tout le monde me soutient »), témoigne un militaire. La diversité des expériences et le refus de les hiérarchiser dans l’ouvrage donnent sa richesse à l’ouvrage, qui au-delà du questionnement d’une loi est une interrogation de l’amour, de la société, de la tolérance. Les photographies, portraits intimes réalisés après les interviews, affirment cette claire intention de Vince Cianni. Les expressions sont troublantes, sincères, le noir et blanc atemporel.   


Editor : Daylight Books
Publication year : 2014