domiciles fixes


Eric Dexheimer



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Habiter, loger, être hébergé… quel mot juste employer pour décrire le rapport essentiel et complexe que chacun entretient avec son espace de vie ? Notre logement est forcément une sorte de reflet de nous-mêmes, un miroir dans lequel nous nous regardons, autant que les autres nous regardent. Nous sommes dans l’espace intime qui souvent exprime le profond de notre être, nos goûts, notre vie, nos souvenirs, nos secrets…Mais nous sommes aussi dans l’espace de communication avec les autres, avec ses messages, ses codes, ses dits, ses non dits.
Notre manière de vivre et d’habiter notre logement est pour les observateurs du genre humain que son les sociologues, les psychologues, les psychanalystes, un univers infini à explorer.
Mais que dire de ceux qui, justement, sont brutalement privés de ce qui constitue une part essentielle de leur rapport aux être et aux choses ?
Y-a-t’il des mots pour décrire cette terrible situation de ne plus avoir de toit au-dessus de la tête : déraciné, errant, sans domicile fixe… ?
La question du logement ne peut être réduite à une simple question technique. La fragilité grandissante des publics qui s’adressent aux petits frères des Pauvres est une évidence : dureté de la vie, âge, nouvelles formes de pauvretés… Dans ces situations, la place du logement devient de plus en plus centrale. C’est le cas des personnes de grand âge pour lesquelles le maintien à domicile devient de plus en plus problématique et coûteux. L’obligation de quitter son logement est vécu comme une rupture dramatique avec tout un passé et tout une vie. C’est le cas des personnes aux conditions de vie précaires (ressourses, santé, équilibre psychologique, …) qui en perdant leur logement, perdent aussi pied dans la vie et se trouvent aspirées dans un gouffre dont il est difficile de sortir seul. C’est aussi le cas des personnes gravement malades et qui, faute de logement adapté, ne peuvent finir leur vie chez elles et se retrouvent dans l’univers impersonnel de l’hôpital.
Dans la plupart des parcours de vie difficiles, la question du logement revient de façon lancinante. Les petits frères des Pauvres qui accompagnent ces personnes savent que chaque parcours est unique. Chaque situation nécessite une approche spécifique. Au fil du temps l’association a élaboré une palette d’outils et de moyens pour mieux répondre à ces situations : aide dans la recherche de logements d’urgences, logements passerelles entre le logement précaire et le « vrai » logement, pensins de famille, unités de logements regroupés, etc.
Quel autre regard sensible que celui d’un photographe pouvait témoigner de manière authentique de ces parcours difficiles ? Qui d’autre qu’Eric Dexheimer, à force de temps, de patience et de respect, pouvait en restituer toute l’émotion ? L’engagement photographique d’Eric Dexheimer est beaucoup plus qu’un simple esthétisme, il est militant. A lire cet ouvrage, à regarder ces photographies, à découvrir ces témoignages, nous réalisons bien qu’en donnant la parole aux personnes en grande difficulté nous nous engageons dans une démarche qui peut paraître subversive. Notre société baigne dans la surabondance des informations et des images. Seul un message fort peut être entendu.
Avant d’ouvrir ce livre, il est vraiment recommendé de faire un peu de silence en soi et d’accepter de se laisser interpeller…

Yves Louage
Les petits frères des Pauvres



Editor : trans photographic press
Publication year : 2004