UMUMALAYIKA


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UMUMALAYIKA – « Ange » en Kirundi.
Est l’histoire d’une femme vue à travers les yeux de son enfant, qui ne voit point la mutilation, le manque, et au lieu du vide que nous voyons elle voit un plein. Ce plein devient, dans le monde onirique créé à travers la collaboration avec l’artiste mozambiquien Magule Wangu, à la fois un vol et une danse – une possibilité d’ailleurs.
A Bujumbura, capitale du Burundi, chaque jour de la vie de Francine est une épreuve. Après la mort de son mari, comme le veut la tradition, elle devient l’épouse de son beau-frère. Ne pouvant lui donner d’enfant « male » il lui inflige une punition atroce et indélébile, en lui coupant les deux avant-bras à coups de machette. Elle sera retrouvée, abandonnée par sa famille, dans une situation extrême, par les membres d’une association.  Profondément handicapée, elle a aujourd’hui besoin d’assistance pour le moindre geste de la vie quotidienne : se nourrir, se laver…des activités nécessaires devenues difficiles pour Francine, qui avec ce traumatisme a perdu son autonomie. Cette femme burundaise vit séparée de sa jeune fille Bella, qui étudie au sud du pays, loin de la capitale. Elles se retrouvent parfois pendant les vacances et prennent alors soin l’une de l’autre. Avec un œil généreux, plein de tendresse pour Francine et Bella, Martina Bacigalupo a pu assister de 2008 à 2010 à cette relation exceptionnelle, et capter la complémentarité unique qu’elles ont offert à son regard.
Comme si les rôles s’échangeaient, Bella assiste Francine à la maison et l’aide à surmonter son infirmité en l’accompagnant dans ses soins chez le médecin et à l’hôpital, pendant que Francine veille sur sa fille en la suivant dans ses devoirs et ses jeux. Attentif aux obstacles comme aux réussites, le reportage de Martina Bacigalupo se présente comme un témoignage de la rencontre établie par la photographe avec Francine et Bella, empreinte de retenue et de bienveillance.« De façon très claire, volontaire,  le  travail de Martina Bacigalupo s’inscrit dans une tradition, à la fois humaine et esthétique, d’engagement. Son choix de s’installer en Afrique pour travailler sur les questions relatives aux droits de l’homme, et essentiellement de la femme, en est une preuve manifeste.
Cela se traduit par un choix attentif, précis, de thématiques et de problématiques sur lesquelles elle exerce un regard empathique en s’attachant toujours à la dimension humaine et en recherchant la distance juste par rapport à ses sujets. Distance difficile à tenir, qui doit combiner pudeur et proximité, discrétion et mise en évidence des problèmes traités. Car il s’agit toujours de rendre lisible, voire évidentes, des situations complexes. Et d’éviter aussi les approches par trop sentimentales, flattant facilement les bons sentiments, apitoyées jusqu’à desservir leur propos qui, trop souvent, dramatisent de façon superficielle et finalement douteuse les situations abordées.
Ici, rien de cela, mais, dans une approche classique du noir et blanc, avec des cadrages purs, des compositions qui fuient tout effet d’esthétisation gratuite, une belle volonté de construire des récits, de développer des narrations qui sont autant de manières de permettre une compréhension des choses et non une manière de jugement, d’affirmations ou de démonstrations. Il y a des faits, ils posent problème et la photographie permet de les lire de façon plus limpide.»
Christian Caujolle

Photographs by BACIGALUPO Martina