MORGANTE


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En Afrique, terre de la démesure et des passions exaspérées, les croyances  populaires prennent la forme de superstitions, l’exclusion de persécutions. C’est le cas pour les personnes de petites tailles ou pour les jumeaux, de façon encore plus grave pour les albinos. La différence ou l’handicap physique, – déjà difficiles à assumer dans la vie quotidienne à cause des conventions sociales et d’infrastructures souvent inaccessibles ou inadéquates – deviennent ici attributs présumés de pouvoirs surnaturels.

Nicola Lo Calzo a réussi à pénétrer le monde fermé et caché des personnes de petite taille, en gagnant leur confiance et en les aidant à gagner celle en eux mêmes.

Les portraits de Fidel, Genevieve, Raissa, Kwedi, Paul Claver, Nelly…, deviennent un acte de résistance contre la dérision dont ils sont l’objet et qui représente, selon leurs témoignages, le premier obstacle, facteur d’isolement et de découragement. Lyne Laure Nguewo, qui a introduit Nicola auprès de l’association qu’elle a créée et qui joue un rôle extraordinaire dans l’insertion sociale et professionnelle des personnes de petite taille, rappelle que tout commence toujours par l’acceptation de soi et de sa différence dans ce monde.
Monde, où souvent ils sont enfermés dans des seconds rôles, à faire les clowns ou de la figuration, peut-être à Nollywood, troisième industrie cinématographique mondiale, comme dans les images du photographe sud-africain Pieter Hugo, dans des rôles équivalents à ceux de bouffons et de ménestrels du passé.

Laura Serani – Commissaire d’art et Directrice artistique des Rencontres de Bamako, Biennale africaine de la Photographie. Extrait de la préface au catalogue de l’exposition “Morgante” de Nicola Lo Calzo au Musée National Alinari de la Photographie.
En Afrique de l’Ouest, seuls deux pays disposent d’une structure luttant pour la reconnaissance des droits des personnes de petite taille, le Mali et le Cameroun. Le photographe Nicola Lo Calzo, s’est rendu au Cameroun pendant l’hiver 2009 et a passé trois mois auprès de diverses personnes de petite taille afin de rendre compte de leur situation sociale, suscitant au mieux de l’indifférence, au pire du mépris et de la crainte.
Par l’intermédiaire de l’ASCAPPT (Association Camerounaise des Personnes de Petite taille), il est allé à la rencontre de personnes naines, de Yaoundé à Douala en passant par Bafoussam et Kribi. Ne bénéficiant pas de prise en charge de la part de l’état, la plupart de ces personnes vivent dans une grande précarité. Seule leur famille leur vient en aide en les gardant auprès d’eux, et bien que la plupart aient un métier, il leur reste très difficile de l’exercer et d’assumer leur condition de nains dans l’espace public. Alors que la plupart de la vie sociale camerounaise a lieu au dehors, les personnes de petites tailles vivent souvent recluses et repliées, sinon sur elles-mêmes, du moins sur leur entourage
proche. Cette isolation peut commencer dès l’enfance lorsque les familles, par superstition
et par peur d’être associée à des actes de sorcellerie, marginalisent leur enfant de petite
taille. Pendant toute leur vie, la grande majorité des personnes de petite taille aura à subir ce regard infantilisant que la société lui renvoie, leur déniant le respect dû à leur condition d’adulte, et la possibilité de construire une vie en toute autonomie. Hélène Lagrange – Photo editor

Photographs by LO CALZO Nicola