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« Qu’est-ce que cela signifie d’être mobile ? Cette question m’obsède depuis longtemps et se pose à chacun de mes choix de vie. Elle amène à sa suite une autre question, dont l’idée de mobilité ne peut faire l’économie : quel type de rapports entretenons nous avec l’espace, avec les lieux que nous traversons ? Qu’ils soient mentaux ou physiques, qu’ils renvoient à une position géographique ou sociale, la photographie donne des outils pour explorer les territoires où nous vivons.

Cette notion de mobilité semble couler de source à propos des personnes du Voyage, Manouches, Gitanes et Roms. Les représentations les concernant insistent encore souvent sur le nomadisme qu’ils sont sensés pratiquer. Pourtant, il n’existe aucun groupe social en France à avoir subit autant d’injonctions à l’immobilité depuis la fin du XIXème siècle. Il me semble que les paysages dans lesquels vivent ces personnes aujourd’hui, paysages qui leur sont imposés, portent justement la marque de ces contraintes. Une chose est frappante lorsque l’on se trouve sur un de ces lieux : le regard atteint rarement l’horizon.

Depuis maintenant plusieurs années, j’utilise la photographie pour constituer une archive visuelle de ces espaces, qu’on pourrait aisément qualifier d’enclaves. Cette démarche trouve son sens dans un constat simple : comment est-ce possible qu’en tant que citoyen l’occasion de traverser ces espaces et rencontrer ces personnes ne se présente jamais ? Tenter de répondre à cette question avec l’aide de la photographie revient à interroger le sens et le pouvoir politique que portent les représentations, et en particulier visuelles. Et photographier les paysages de ces lieux signifie, certes, établir des points de contact, des relations de voisinage normales, mais c’est aussi mettre en évidence les politiques d’« enfouissement » dont sont victimes les Voyageurs en France. Petit à petit, c’est un renversement de point de vue qui s’opère, comme une anthropologie de l’ici et pas de l’ailleurs, de soi-même et pas de l’autre

Depuis 2020, je me déplace d’aire d’accueil en aire d’accueil afin de constituer une archive visuelle de ces paysages, questionnant par la photographie les liens entre anthropologie et politique. Imaginé comme un contre-champ, un changement de point de vue, Traversées cherche à interroger le sens de la place que chacun occupe dans la société, en particulier lorsque celle-ci est assignée » – Antoine le Roux