TERRITOIRES DÉNATURÉS

ENQUÊTE SUR LA FRANCE NUCLÉAIRE


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La question de l’énergie nucléaire n’a jamais été autant d’actualité : aléas de la livraison du chantier de l’EPR de Flamanville, développement de “mini” réacteurs, guerre en Ukraine, coup d’état au Niger… En même temps, elle n’a jamais été aussi absente des débats publics. Je suis né dans le pays le plus nucléarisé du monde, et, comme la plupart de mes concitoyens, je ne m’étais jamais vraiment intéressé à la politique énergétique et encore moins à l’industrie nucléaire. Depuis ma naissance, j’évolue dans le confort. Je suis invité par les injonctions à acheter notamment des objets technologiques et par les messages publicitaires à consommer sans limite et sans questionnement. L’accident de Tchernobyl et son nuage facétieux ne m’ont pas vraiment inquiété. Je n’ai commencé à me poser des questions qu’au moment de l’accident de Fukushima, mais il aura fallu un des anniversaires de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl pour que je commence à réfléchir sur les choix énergétiques de mon pays. Je décide d’aller photographier la centrale de Nogent-sur-Seine, la plus proche du lieu où je vis. Stupéfait par ce que je découvre, j’entreprends de photographier toutes les centrales de France en essayant de confronter leur gigantisme et le corps humain. Ce reportage m’amène à enquêter plus globalement sur l’énergie nucléaire. Je me rends dans le Morbihan et en Auvergne pour découvrir les anciennes mines d’uranium, fermées car trop peu productives. En tout, près de 200 sites abandonnés continuent à contaminer les sols et les nappes phréatiques. La question de l’extraction du combustible soulève celle de la complexité de la transformation de l’uranium et des coûts humains et environnementaux. Le minerai, aujourd’hui acheté au Kazakhstan, au Niger, à l’Ouzbékistan ou à la Namibie, arrive en France après un voyage de plusieurs milliers de kilomètres. Pour connaître l’autre bout de la chaîne, je me rends à La Hague où je découvre son centre de stockage des déchets nucléaires : un territoire transfiguré par l’industrie du nucléaire, jalonné de magnifiques réverbères et de splendides aménagements sportifs et culturels. Au cours de cette enquête, je rencontre un réseau de personnes engagées, travaillant pour informer la population des conséquences de la production d’électricité d’origine nucléaire. Je m’entretiens avec des hommes et des femmes qui me font part de leurs conditions de travail mais qui refusent pour la plupart d’être photographiés. Je vais à Bure en Haute-Marne où le projet d’enfouissement de déchets nucléaires les plus radioactifs est en cours et où des citoyens et des activistes tentent de mobiliser la population contre sa dangerosité. Enfin, je décide de documenter l’histoire de la lutte antinucléaire. À Plogoff, je découvre, à côté de la Pointe du Raz, une baie préservée par cette lutte à la fin des années 70. C’est toute cette enquête qui se trouve réunie dans cette exposition. Je n’ai pas fait acte de militantisme ; j’ai simplement fait mon travail de photojournaliste et de citoyen qui se pose des questions sur les choix énergétiques portés par un état, sans concertation de sa population. – Nicolas Gallon / Contextes

Nicolas Gallon est né à Paris au lendemain du choc pétrolier, au moment du plan Messmer et du choix du « tout nucléaire » français. Il rentre en maternelle l’année où Vital Michalon, militant antinucléaire, meurt lors d’une manifestation contre le surgénérateur Superphénix. Il apprend à lire au moment où le monde connaît sa première catastrophe nucléaire à Three Mile Island dans l’État de Pennsylvanie aux États-Unis, et la France, son plus grave accident nucléaire à la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux. Il redouble sa sixième quand a lieu l’accident de Tchernobyl. Il obtient son bac le jour où l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) se lance à la recherche d’un site en vue d’enterrer les déchets de l’industrie nucléaire. Il rentre en agence de presse, débute son travail de photojournaliste et couvre l’actualité sociale et politique en France durant les années où l’industrie nucléaire voit la naissance d’Areva, fusion de CEA Industrie, de Framatome-ANP et de Cogema, et où le département de la Meuse est choisi pour recevoir le site d’enfouissement des déchets nucléaires. Son fils apprend à marcher la même année que l’accident de Fukushima et sa fille naît à l’instant où est signé le projet de Grand Carénage qui voit la durée de vie des centrales nucléaires prolongée jusqu’à 60 ans. En 2012, il photographie sa première centrale à Nogent-sur-Seine et toutes les autres sur le territoire français. Ce premier travail largement publié dans la presse et exposé lors de festivals photographiques lui donne la force de soulever le tapis de l’industrie nucléaire française et il découvre toute cette histoire, temporellement liée à la sienne. Nicolas Gallon fait partie du collectif Contextes www.contextes.org


DENATURED TERRITORIES

An investigation into nuclear power in France

Nuclear energy has never been more in the news: problems with the completion of the Flamanville EPR power station, development of “mini” reactors, war in Ukraine, military coup in Niger… Meanwhile, it has never been more absent from public debate.  I was born in the most nuclear country in the world, and like most of my fellow citizens, I never really took much interest in public energy policies and even less in the nuclear industry. Since my birth, life has been easy.  I am constantly assailed by injunctions to buy technological objects and by advertising promoting consumption without limits.  Tchernobyl and its curious cloud didn’t bother me particularly.  I started to question things only with the accident at Fukushima, but it took one of the anniversaries of the Tchernobyl disaster for me to really start reflecting on the energy choices made by my country.  So I decided to take some photographs of the Nogent-sur-Seine nuclear power station, as it was the closest to where I live.  Amazed by what I discovered, I then embarked on a project to photograph all of the nuclear power plants in France, trying to put the human body in perspective against their gigantism.  This documentary led me to investigate nuclear energy as a whole.  I went to Brittany and the Auvergne to visit old uranium mines, long since abandoned for lack of productivity.   In total, there are nearly 200 abandoned sites which continue to contaminate the soil and the water table. The extraction of nuclear fuel raises questions about the complexity of the transformation process of uranium, as well as the human and environmental costs involved.  The ore, which is bought today from Kazakhstan, Niger, Uzbekistan or Namibia, arrives in France after travelling several thousand miles.  In order to know a little more about the other end of the chain, I went to La Hague in Normandy and saw there the centre for storing nuclear waste: a landscape transformed by the nuclear industry, dotted here and there with magnificent lampposts and splendid cultural and sporting amenities.  During the course of my investigations, I met a whole network of devoted people, working to inform the population of the consequences of producing electricity from nuclear sources.  I met with men and women who were ready to discuss their working conditions but most preferred not to be photographed.  I went to Bure, in the north east of France, where there is a project running to bury the most radioactive nuclear waste and where activists are trying to bring the dangerous nature of the project to the attention of the local population.  Finally, I decided to look into the history of the battle against nuclear power.  I discovered Plogoff bay, near the Point du Raz on the western tip of Brittany, preserved by this battle at the end of the seventies. This exhibition brings together all these elements of my research.  I do not intend to be a militant; I simply did my job as a photojournalist and citizen who questions the energy choices made by a state, without seeking the opinion of the population.  – Nicolas Gallon / Contextes

 

photographs by Nicolas GALLON

VERNISSAGE JEUDI 19 SEPTEMBRE 2024 de 17H30 A 20H30
Signature du livre du même titre aux Éditions du Seuil, le samedi 12 octobre 2024 à la Galerie, entre 16h30 et 18h30
From 20/09/2024 to 09/11/2024
Galerie FAIT & CAUSE
58 rue Quincampoixx
75004 Paris
France

Opening hours : du mercredi au samedi de 13h30 à 18h30
Phone : 01 42 74 26 36
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faitetcause.org