Du toit du monde au ventre de la terre, Itinéraire de l’extrême


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Sur une route d’Himalaya je rencontre un groupe d’hommes affairés. Les Bihar-boys, ce sont eux, semblent réunis pour un rite singulier. Le feu gronde à leurs pieds, l’enfer se consume dans un creuset de fortune. Tel de grands esprits enveloppés de fumée, je les vois qui s’agitent, veillant sur leur feu éternel, dans des barils embrasés, avec des gestes rudes.  Visages camouflés dans des guenilles, presque inquiétants. Je perçois leur acharnement dans le labeur, et leur sueur coule dans mon dos.L’odeur de poix est écrasante, la matière luisante colle aussi bien qu’un sombre destin tenace sur une bête de somme. Certains sont si imprégnés qu’ils ressemblent à de pitoyables oiseaux mazoutés.
Pas de place pour la beauté, pas d’enchantement, ni de sublime dans ce spectaculaire endroit. L’ Himalaya ! Et pourtant…
Pourtant le goudron a l’impudence de marivauder avec l’art. Il se fait désirer, hésite à s’étendre, et pousse la coquetterie jusqu’à composer un tableau tout en courbes. Le pouls de a terre ? La respiration du grand Himalaya ?
La misère des asservis de la route est une souffrance que je saisis sur le vif, que je voudrais comprendre. Leurs yeux me la crient, leurs regards me tiennent à distance. L’œil inquisiteur du photographe dénonce leur réclusion. Ce pénitencier de l’extrême est leur monde. Le focus s’attarde sur ces grands hommes, qui à la puissance du bâton et du bidon enflammé, construisent inlassablement les routes de la chaîne de l’Himalaya pour trouver la force d’exister. Une page à tourner, un pas plus loin, vers l’Indonésie. Je  ne le sais pas encore, mais j’ai rendez-vous avec les Porteurs du Kavah Ijen, le fameux cratère vert. Une plongée dans le gaz volcanique, et l’odeur déjà me suffoque. J’ai du mal à détacher mon regard de ces hommes armés de barres à mine qui fourragent les entrailles du volcan. De vrais combattants, aux postures de guerriers, qui semblent vouloir terrasser le dragon fumigène. Le soufre liquide, coule, orangé, des plaies acides de la bête.J’admire, humblement. Jusqu’à être cueillie par le regard d’un porteur. En une image, je découvre l’équilibre du monde : un être, deux bras, et un balancier sur l’épaule.Il  m’observe, interrogateur, un rien provocateur. On garde le silence, on se retient.  Quel mot pourrait nous rapprocher ? Quel geste pourrait me lier à lui, qui résiste dans ce paradisiaque enfer qui le fait vivre mais le tue, ou peut être l’inverse…
photographs by Eric Le ROUX

From 09/06/2011 to 01/07/2011
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