'' alles wird gut ''


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L’idée du projet « Alles wird gut » (Tout ira bien), m’est venue dans l’avion me ramenant de Thaïlande et du Cambodge, où j’étais en reportage pour le magazine Elle suédois sur les aides aux enfants infectés par le VIH. Bien que le reportage soit positif, je me sentais mal. En colère. Très en colère. C’est la photo que je n’avais pas prise qui me hantait. Des images de milliers d’enfants abandonnés et maltraités vendant leur corps maigre à n’importe qui leur paierait un bol de riz. Et moi j’étais là, au milieu de tous ces pédophiles qui retournaient à leurs vies « normales » (Toutes mes excuses à ceux qui doivent se rendre à Bangkok pour des raisons normales). C’était si évident. Mais que pouvais-je faire ? Simplement fermer les yeux et faire comme si je n’avais pas vu ces visages comblés, comme s’ils n’étaient pas là, et que tout cela n’était pas vrai. Mais derrière mes paupières fermées, j’ai vu pire : des hommes caresser ces petits enfants, je les ai vus allongés nus sur des lits d’hôtel sales demander à ces filles courageuses et souriantes d’être « gentilles avec eux ». J’ai vu cela de mes propres yeux. Chacun des viols qu’ils ont perpétré, chacune des enfance qu’ils sont détruites. D’autres images mes sont venues en tête, des images que je gardais à distance. Des parents battant leurs enfants, les laissant mourir de faim, toutes les histoires qu’on lit dans les journaux et qu’on entend à la télé. Ce sont des images cruelles, surtout pour un photographe qui recherche systématiquement la beauté. Puis j’ai eu l’image d’une maison de poupées. Le petit monde victorien de ma fille, construit par des adultes romantiques qui veulent faire croire aux enfants qu’il n’y pas de côté sombre dans la vie. Si petit. Si innocent. Comme un murmure rassurant à l’oreille d’un enfant qui pleure : tout ira bien.  J’avais envie d’utiliser la maison de poupées de ma fille pour représenter des scènes de sévices sexuels et de violence contre les enfants –le monde pas-si-parfait à huis clos. Puis j’ai compris que j’avais besoin d’être au plus près : c’est pour cette raison que j’ai commencé à créer des petites boites comme dans les décors de films avec des détails.  J’ai modelé des personnages en argile, un matériau malléable, afin de recréer des situations dramatiques : comme dans les films. La création de ces petites figurines peut prendre plusieurs jours. Quand je modelais leurs joues et leur ventre, je me suis rapprochée de ces personnages au point de pouvoir presque ressentir ce qu’ils ont subi: la douleur de la victime, d’une part, l’excitation sexuelle des pédophiles de l’autre. Une expérience effrayante, croyez-moi. Aucune de ces mises en scène ne montrent l’abus même ou la violence sexuelle à proprement parler : cela aurait été trop voyeuriste. Au lieu de cela, j’ai choisi de suggérer ce qui s’est passé pendant la scène du crime – comme un photographe médico-légal qui répertorie les preuves. Avec le projet « Alles wird gut », j’essaie de poser la question la plus profonde : que voyons-nous et comment choisissons-nous de regarder ? Quand commençons-nous à censurer nos propres perceptions ? Est-ce que les larmes effacent notre véritable engagement dans une réalité insupportable ? Je veux déranger, provoquer des réactions, de l’indignation, et susciter des débats. Exposer ces maisons des poupées et photographies n’est pas suffisant. C’est pourquoi je les affiche sur les murs des villes où je voyage, comme dans une sorte de « guérilla du marketing de l’art ».  Et cela provoque des réactions, parfois même très fortes. Souvent les affiches sont déchirées le jour même, ou alors on les tagge. Très bien!
photographs by Katrin JAKOBSEN

From 08/05/2010 to 25/07/2010
ZKM / Zentrum für Kunst und Medientechnologie Karlsruhe
Lorenzstrasse 19
76135 Karlsruhe
Allemagne

Opening hours : Entrèe gratuite
fotokaja@gmx.de
www.zkm.de