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Les autochromes de la Guerre 1914-1918 :

Quelques mois après le début de la Première Guerre mondiale,
en 1915, est créée la Section photographique de l’armée (SPA) ;
cette dernière centralise et assure la diffusion des images
envoyées par des militaires ou prises par des opérateurs
spécifiquement mandatés pour l’occasion. Dès le mois de juillet
de cette même année, la SPA a recours, pour certains de ses
reportages, à la technique de l’autochrome.
L’ensemble présenté ici est dû principalement à deux
engagés militaires, Paul Castelnau (1880-1944) et Fernand
Cuville (1887-1927), devenus les autochromistes attitrés de la
SPA à partir de 1917. Tout au long de l’année, dans le cadre d’une
vaste mission cofinancée par l’armée et Albert Kahn, banquier
et mécène, ils se déplacent en Champagne, dans les Ardennes,
en Alsace, dans le Nord, en Belgique et en Picardie, se tenant le
plus souvent éloignés de la ligne de front. Contraints tant par
les limitations techniques de l’autochrome, qui rendent très
difficile toute vue instantanée, que par les sujets imposés ou,
à l’inverse, interdits par la censure, ils réalisent avec un talent
rare un grand nombre de portraits soigneusement posés,
voire composés, de militaires. À Reims, ils photographient
abondamment la ville et ses habitants, soulignant la vie qui se
poursuit malgré la guerre, parmi les décombres. L’ensemble,
peu diffusé à l’époque, sera réparti entre diverses structures, la
SPA (à présent intégrée à l’Établissement de communication
et de production audiovisuelle de la Défense), les Archives
de la planète, vaste projet documentaire lancé et financé
par Albert Kahn (collection aujourd’hui abritée par le musée
départemental Albert Kahn à Boulogne-Billancourt), et le
ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, fonds
désormais entré dans les collections de la Médiathèque du
patrimoine et de la photographie.

Quentin Bajac,
Commissaire de l’exposition

Cette collection est celle d’un double regard, de deux visions
individuelles qui se mêlent, se confrontent et se confortent.
Une saisie d’images sur une période précise de la pratique
de l’autochrome, de 1903 à 1932, sur l’erre d’une fin de siècle et
à la naissance d’un autre, avec des images parfois imprégnées
du pictorialisme finissant ou, au contraire, annonçant déjà la modernité.
Au-delà des prouesses techniques des autochromistes,
nous avons vécu l’émerveillement en découvrant ces plaques
colorées, leur magie, leur pouvoir de distiller la satisfaction
renouvelée de l’opérateur à sublimer la réalité par la couleur.
Collectionner à deux : le plaisir d’isoler l’image forte, souvent
d’un même élan. L’évidence immédiate du choix partagé,
la connivence, ainsi qu’une ouverture au regard singulier
de l’autre. Il y a quelque chose de délicieusement ludique à
reconnaître la photographie qui complétera l’histoire en devenir
de la collection.
Notre ligne de force, c’est notre liberté. Mais cette liberté a
pour partenaire obligé la quête de l’excellence. Une collection
libre, sans thème, sans sujet précis, si ce n’est rassembler
des images qui vibrent d’une présence séduisante, parfois
dérangeante, voire perturbante, toujours empreinte d’inconnu,
d’émotion, et souvent d’un certain mystère.
Notre collection rassemble autant d’œuvres d’amateurs
anonymes que de grands noms de la photographie du monde
entier, tels Heinrich Kühn, Alfred Stieglitz, Paul Burty Haviland ou
encore Léon Gimpel…

Soizic Audouard et Élizabeth Nora,
Commissaires de l’exposition