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LES ENFANTS OUBLIES D'UN BIDONVILLE D'AHMEDABAD


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Je suis parti en Inde à la recherche de richesses. Non pas les richesses d’un monde hostile et rude, mais les richesses d’une nation aimable et ancienne chargée d’histoire.

À Amdabad, je suis tombé sur le seuil du célèbre centre de la non-violence, de Gandhi.

De la grande cour de l’ashram de Sabarmati, je suis entré dans ce qui était la maison de Gandhi pendant près de treize ans, alors qu’il cherchait encore sa voix.
C’est alors que j’ai rencontré le Dr A.T. Ariyaratne, fondateur de Sarvodaya, une organisation pour les pauvres des campagnes de son Sri Lanka natal, et ancien candidat au prix Nobel – dans le couloir de l’ancien foyer de Gandhi. Le Dr Ariyaratne était aussi venu en quête de connaissances. Et nous l’avons tous les deux trouvé dans les endroits les plus étranges, son urne vide exposée derrière une mince paroi de verre, juste à droite de sa célèbre canne et ses frêles lunettes. Gandhi était un homme simple. Son sensibilité et sa compassion pour les pauvres et les opprimés (les intouchables Dalits) sont contagieuses. Plus besoin de mots pour nous, nous avions tout simplement compris.

Amdabad est la capitale de l’État indien du Gujarat et la septième ville de l’Inde. L’ashram de Sabarmati, propre, épuré, contemplatif, représentait pour Gandhi et pour nous tout ce qui était idéal et décent pour les masses indiennes et pour l’humanité.

À quelques kilomètres de l’ashram, dans un minuscule bidonville, derrière des stands de légumes et de sodas éparpillés, le rire et les cris des enfants ont attiré mon attention. En bas d’une petite colline, sur la rive ouest d’un affluent sale de la rivière Sabarmati, les enfants se réunissaient pour aller à l’école dans une petite salle de classe sans murs parmi les cabanes au toit de tôle.

À peine entré, j’ai été accueilli par les visages rayonnants des petits assis par terre, apprenant leur alphabet anglais. Alors qu’eux allaient à l’école, la plupart des enfants du bidonville passaient leurs journées à s’occuper de leurs petits frères et soeurs pendant que les parents luttaient pour se nourrir et cherchaient du travail.

Mirnuxi Dhairew, l’un des deux enseignants du Kasturben Himmatlal Jani Charitable Trust, m’invita à rencontrer les élèves. Certains d’entre eux étaient timides et introvertis.

 »Ils ont été maltraités », dit Dhairew,  »les adultes ici profitent d’eux quand les parents ne sont pas là ! »

Ça se lisait sur leurs visages – la méfiance et la peur des adultes. Les enfants plus âgés essaient de faire prevue d’un certain degré d’adaptation à ce qui leur arrive quand personne n’est là pour les protéger. Alors Dhairew réunit leur attention et leur demande de chanter l’alphabet.

Ici vit l’esprit Gandhi, ancré dans les moeurs et parmi les enfants oubliés. Il y connaissait la dure réalité des jeunes du bidonville dont s’occupe aujourd’hui Kahija, foundation caritative dont le but est de fournir éducation et soins médicaux aux enfants des rues.

Les enfants de Dhairew, pris en charge par Kahija, ont été victimes de violence physique et mentale ; malades, affamés et sans abri. Démunis, abandonnés, toxicomanes et prostitués ; devenus séropositifs à la suite de rapports sexuels forcés. Sur les 2 000 cas d’Amdabad pris en charge par Kahija, près de 45 pour cent reçoivent un traitement actif pour une MST.

 »Les voisins les violent », dit Sushri Sonal Kellogg, un chroniqueur à l’époque pour The Asian Age à Amdabad. Kellogg a peu d’espoir pour les enfants des bidonvilles ou leurs familles.  »Personne ne semble trop se soucier de ce qui se passe là-bas, » disait-il,  »tout le monde en souffre. Les besoins sont trop importants. »

Mendiants dans la rue, trieurs d’ordures dans des décharges, ou alors, s’ils avaient de la chance, ouvriers dans l’usine de papier voisine, les parents des bidonvilles n’ont d’autre choix que de laisser leurs enfants seuls. Il arrive que des voisins donnent un coup de main, mais ces actes de générosité sont rares. Les abus persistent dans ces quartiers marginaux – un phénomène que j’ai vu se reproduire dans les bidonvilles de Mumbai à Calcutta.

Je voyais ça souvent là où j’ai grandi – activité sexuelle forcée, sans règles, gratifiante pour certains, psychologiquement désastreuse pour d’autres, en particulier les petites victimes. Chez nous, Papa travaillait beaucoup sur les champs de canne à sucre, ou loin en Nouvelle-Angleterre. Mamá restait seule des mois durant pour s’occuper de nous, apportant l’eau de la rivière voisine et lavant les vêtements contre des pierres usées. Telles sont les heures où, dans les bidonvilles, les malheurs arrivent aux enfants. Les heures où la vie bascule pour les petites victimes.

Bienvenue dans la jungle de la pauvreté. Bienvenue aux lépreux oubliés de notre société.

J’espère continuer de capturer des histoires touchantes à travers mon objectif, afin de sauvegarder, ne serait-ce que pour un instant, la vie et l’âme de toutes ces personnes incroyables à travers le globe.

Manuel Rivera-Ortiz

Photographies Manuel RIVERA-ORTIZ

Du 01/07/2019 au 22/09/2019
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France

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