Quand vous arrivez chez les Robinsons, on vous salue, on vous accueille, on s’inquiète de savoir si vous avez besoin de quelque chose. Personne ne vous demande de justifier de qui vous êtes, d’où vous venez et ce que vous faites la… même quand vous agitez un appareil photo sous le nez des gens. Immédiatement, je me suis retrouvé adopté. Nouveau membre d’une de ces familles nombreuses ou, quand vous arrivez à l’heure du repas, on ajoute une assiette à table, naturellement. Une des ces familles où les enfant sont dans les bras de mamies, de tatas ou de tontons qui ne sont pas les leurs, n’ont pas la même religion ou couleur de peau, ne parlent pas la même langue. Malgré les difficultés, sans nombre, sans fin, chacun aide tout le monde, cuisine ensemble, mange ensemble, rie ensemble, vit ensemble… Après la vaisselle, la machine se mets en mouvement. On s’entasse dans une camionnette vétuste avec le matériel pédagogique: quelques jeux, un ballon ou deux, de quoi préparer un goutter et puis on part. On arrive, dans un terrain vague au milieu d’entrepôts, en bas d’une cité ou sur le parking d’un hôtel social, on installe les « ateliers » , s’il pleut on monte les tentes, et on attend. Dans ces endroits froids, aux couleurs délavées, à priori hostile à l’humain, vivent des enfants, des dizaines d’enfants, qui de nous, de nos institutions, connaissent essentiellement une chose: le rejet. Pendant quelques heures, mais chaque jour, chaque semaine depuis des années, avec la régularité et l’obstination du laboureur, les Robinsons creusent leur sillon. Loin des multinationales de l’action sociale, avec des moyens qui sont surtout humains, un matériel dérisoire, quelques tapis, moins de jouets qu’on en trouve parfois dans la chambre d’enfants uniques… ils tentent d’apporter quelque chose à ceux dont souvent même « l’école de la république » ne veut pas. Voilà ce que j’ai essayé de capturer dans mes photos, pas seulement les difficultés, qui sont partout, mais aussi l’énergie des hommes et la beauté du moment.