Une utopie nomade : Les Peuls du Burkina Faso.

Matthieu RYTZ


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À l’aube du 21 décembre 2007. Des coups de feu retentissent. Des femmes sortent de leurs cases magnifiquement coiffées de perles jaunes et de vieilles pièces de monnaie. Des hommes, vêtus de leurs plus beaux boubous, choisissent et lavent minutieusement le mouton qui aura le privilège de voir son sang couler au nom d’Allah. Comme chaque année, les musulmans fêtent l’Aïd el-Adha, “la fête du sacrifice”, afin de commémorer la soumission d’Ibrahim à Dieu. Tout fidèle, dans la mesure de ses moyens, sacrifie un mouton ou un bélier en l’égorgeant, couché sur le flanc gauche, la tête tournée vers La Mecque. Pour les Peuls de Dokui, cette fête est primordiale, car elle permet, au-delà de la foi, de réaffirmer année après année un mode de vie ‘indépendance et de liberté qu’ils privilégient par-dessus tout. Profondément liés à l’élevage du bovin, les Peuls vivent dans une perpétuelle recherche de ce qui est indispensable au troupeau : l’eau, l’herbe et le sel. Quand une période de disette sévit, une vache doit être sacrifiée à contrecoeur afin d’obtenir un peu de mil auprès des agriculteurs avoisinants. Lors de leurs transhumances, les guerriers peuls n’ont pas hésité à assujettir les autochtones en leurs imposant, par la force du djihâd, une nouvelle religion. Sangaré, le chef coutumier de Dokui, est le digne héritier d’une tradition orale millénaire dont l’origine remonte à la haute vallée du Nil. Symbole d’un passé glorieux, son monde se transforme tranquillement, mais sûrement. Le dernier cheval a disparu de Dokui et c’est en Mercedes que celui-ci se rend en pleine brousse, accompagné de l’imam, afin d’effectuer les gestes précis de la plus importante des prières de l’année. Les problématiques endémiques et insolubles de la gestion du territoire entre nomades et agriculteurs, la création d’État-Nations fictifs par l’administration coloniale française ainsi que l’inéluctable processus de globalisation vont ils laisser un peu de place à un peuple dont le rêve de liberté diminue chaque jour et dont l’organisation sociale est en pleine mutation ?

 

Pays : Burkina
Lieu : Dokui

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