Les oublies de la république

Hervé LEQUEUX


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Bois de Vincennes, squat à la varenne chenevrière, campement des Don Quichotte sur le canal saint martin, parking sous Bercy, foyer de l’ADAMO à savigny-sur-orge et appartement CHRS à Fontenay le fleury. Je vous présente “les oubliées de la République”. C’est en rencontrant le campement qui s’est installé en septembre 2006 sur la place de la République, comprenant au début 9 tentes, que j’ai voulu raconter en photographies la vie de ces collectivités où des femmes et des hommes jeunes et moins jeunes, SDF, vivent en galère au milieu de laville. Une histoire de ces gens de la rue que j’ai suivis pendant un an. Peu à peu (début octobre) je commençais à photographier le campement des “anciens”, où, Giovanni (50 ans, 35 ans de rue) accompagné de sa compagne (Agnès, 39 ans depuis 1 ans à la rue) et entouré des couples : Lamine et Laure (52 ans tous deux à la rue depuis 10 ans), Tiffo et Sabrina (40 ans et à la rue depuis 4 ans), Rachelle et louis (la quarantaine à la rue depuis 5 ans) Jean-louis et Charlotte ( 50 ans, ils dorment à l’hôtel depuis 2 mois et vivent tous les jours sur le campement) …s’étaient installés. Ils m’ont raconté l’histoire des “gens de la rue”, leur solitude et la nouvelle solidarité qu’ils ont rencontré grâce à la vie sous les tentes en groupe, la possibilité de reconstituer une min-société où l’entraide, la solidarité et la liberté étaient loi tout en vivant au milieu de la rue…. Puis je fréquentais rapidement le campement “voisin”, celui des “jeunes”. Là Gregory (27 ans, à la rue depuis 15 ans, enfant de la DASS) avait constitué un autre collectif autour de 4 tentes avec ses amis. L’ambiance y était bonne , les copains passaient souvent et amenaient de l’alcool ou de la drogue… Bref, hormis quelques engueulades et quelques bagarres (soit entre eux, soit avec quelques “salauds” qui, par exemple, avaient mis le feu à une tente dans la nuit), tout le monde cohabitait, les couples étaient heureux, les jours plutôt chauds, les nuits bien enfumées et arrosées ; peu à peu le campement grandissait (la moyenne d’âge y était quand même de 21 ans!), une bâche était installée pour s’abriter en cas de pluie, “la manche” permettait de survivre ( Grégory était le seul à toucher un R.M.I tous les mois, Victoire avait, elle, des tickets restaurants et parfois un peu d’argent de sa mère), la communauté s’entraidait et se soutenait pour tout…Et certaines personnes (restaurateurs, passants, amis) leur amenaient à manger. Je découvre la vie de chacun et choisis d’observer cet endroit miséreux, insalubre, boueux, bruyant, agressif et malgré tout chaleureux, solidaire et protecteur où j’avais quand même peine à rester dormir plus de trois nuits (le bruit, la tension, les abus, la misère m’abattaient vite)… Je parlais avec eux de leurs passés, mais aussi de leurs rêves, Juana me disait qu’elle voudrait retourner chercher son fils en Espagne, qu’elle voudrait arrêter la méthadone (tous les jours elle allait au bus de Medecins du Monde prendre 25ml) ; Sarah espérerait faire du son et organiser des fêtes Transe, emménager rapidement avec son jeune fiancé (qui a abandonné son job de pompier suite à la mort d’un de ses amis-pompiers) ; Victoire voulait seulement ne pas se séparer de sa chienne (elle avait une chambre d’hôtel depuis que sa mère l’avait mise à la porte mais refusait d’y dormir sans sa chienne) ; Els voulait la liberté et espérait que Cyril deviendrait son copain… Chez les anciens l’inquiétude commençait à croître (risque d’expulsion) suite à l’agrandissement du campement sur son coté droit (en regardant face à la statue de la République) avec l’arrivée progressive d’autres tentes essentiellement habitées par des polonais qui trouvaient là l’hôtel “à la belle étoile” réservé aux nos nouveaux arrivants sans le sou des nouveaux pays membres de l’Union Européenne (vue imprenable sur la marianne et son poing levé contre les injustices)…Le 25 novembre l’expulsion avait lieu, ordonnée par le préfet de la République… Les anciens partirent s’installer sur les bords du canal Saint Martin ; les jeunes se divisèrent et certains trouvèrent refuge dans un squat alors que d’autres partirent planter leurs tentes au bois de Vincennes (car on leur avait interdit de s’installer ailleurs dans Paris, ils avaient été chassés par la police dans la nuit alors qu’ils voulaient s’installer à Beaubourg)… Puis mi-janvier il y eut le campement des Don Quichotte où Juana, Victoire et Giovanni avec les anciens finirent par s’ installer ne supportant plus la difficulté de la vie dans le bois. Les anciens se retrouvaient fortuitement non loin de l’action (ils s’étaient installés sur les bords du canal aprés l’expulsion de la place de la république) et pestaient facilement sur les caméras qui commençaient à envahir leur quotidien. Agnès était toujours près de Giovanni, Lamine avec, Jean-louis et Charlotte continuaient de les visiter, seuls les couples Sabrina et Tiffo et rachelle s’intéressaient à la possibilité d’ obtenir un logement grâce aux propositions du FNARS (cellule de crise qui recevaient tous les SDF du canal dans l’hôpital Saint-Louis, mis en place suite à l’action des Don Quichotte). A ce jour, Juana n’a pas réussie à s’intégrer au foyer de femmes qui lui avait été proposé par les assistants sociaux du FNARS, elle est retournée à l’hôtel (le Week End au squat avec christophe), elle a perdu il y a 1 semaine son copain Reza, jeune iranien quelle venait de rencontrer sur le campement des Don Quichotte (elle vivait avec lui depuis 1 mois), il est mort sous une tente au bord du canal saint martin (overdose de méthadone avec un ami à lui , une enquête est ouverte) ; Victoire, elle, vient de se faire virer du nouveau foyer ouvert par des associations proches des Don Quichotte (ADAMO), elle est donc retournée dans un hôtel (où sa chienne est acceptée), en 8 mois de galère elle a beaucoup mûri et récemment elle a surtout sympathisé avec de nombreuses nouvelles personnes (grâce à son intégration réussie au sein des Don Quichotte) ; elle finira par obtenir un relogement en foyer CHRS dans un studio indépendant. Enfin Sarah s’est finalement séparée de Chris qui ‘ne bougeait pas pour les sortir de là”, pour suivre Gregory. Après avoir survécu dans un parking à l’abri du froid pendant un mois, ils ont rencontré l’association “Coeur des Haltes” installée dans un camping-car sur les bords du canal Saint Martin, qui leur ont proposé d’habiter un logement-test pour les SDF, mis en place par l’ADAMO (anciennement SONACOTRA), acceptant les chiens, offrant le repas et un suivi personnalisé pour se réinsérer.

 

Soutien : Production cinesens
Pays : France
Lieu : Paris

Nombre de photos : 35