L’ail violet de Cadours : un terroir, le travail de l’homme

Christian CARRERE


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La photographie révèle le monde. Il est étonnant qu’il faille en passer par l’art pour voir, regarder, contempler les choses. C’est que l’homme réinvente l’existence dans son impression même, et ainsi la porte à elle-même.  

 


Christian CARRERE pose sur la terre et les gens un regard sensible et dépouillé qui permet aux choses d’apparaître telles quelles, dans leur événement et leur nudité. Pas de faux-fuyant ni de jugement. L’image nait dans la simplicité et l’étonnement d’un accueil des choses. Elle en garde tout son mystère. Pour le coup, la réalité de la terre et de l’homme se donne crûment, cruellement, violemment : champs labourés, nature domestiquée, monde des machines, terre sillonnée et nue. Travail à longueur de champ, nature assujettie et productive… Mais : événement de l’homme et de la nature, de la nature dans les mains de l’homme. Ce n’est pas une nature douce ni sauvage qui apparaît ici, mais réduite à une production. Elle est d’autant simplifiée, tout en gardant sa force, sa vitalité, sa puissance. Même en la dominant en apparence, l’homme n’en demeure pas moins son enfant et son servant. Il y est comme un officiant. Non pas tant comme un « exploitant » ou, pire, un « exploiteur », mais comme épousant le rythme des choses dans leur lenteur et leur puissance. Il se livre avec elle à sa destinée, verticale et courbé, libre et affairé, désirant et travaillant, dans l’instant du bonheur et dans l’instant de la tâche. Humanité patiente, accompagnant le temps de la maturation des choses. L’existence s’invente et se réinvente, suivant son rythme. Les corps et les visages transcendent l’espace, et lui donnent, au-delà de son exploitation brutale (qui discipline le pays aussi bien que le paysan), une douceur et un mystère inattendus.
Christian CARRERE attrape les instants de sensibilité à même les attitudes et les expressions. Il reçoit la question sensible et affective de l’existence humaine, à même le quotidien du travail. Il accueille le temps de l’homme. Il trouve aussi, dans cette discipline du travail des champs, la rugosité et la tendresse d’une humanité à la fois présente et oublieuse. Livrée au rythme cyclique et infini du temps, qu’elle révèle mais aussi banalise. Humble, grande, étourdie. Réponse à Platon (à la question de l’illusion et de la vérité). A l’homme de la caverne. A l’homme de la nature et de la culture. Aux hommes de l’art et du temps.
Jean-Marc Chavarot Écrivain, psychiatre
Pays : France
Lieu : CADOURS

Nombre de photos : 8