La Route Belgrade-Sarajevo : Bienvenue en Enfer

Bruno COGEZ


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It begins with a journey.  Arriving that night in Belgrade, Bucharest already seems far away.  We take the bus to Sarajevo, feeling the war, remembering having been witnesses during the years of the siege.  War scars are ever present with buildings that have been burnt or bombed and disturbing no man’s lands.  The bus only takes the routes controlled by Bosnian Serbs.  We don’t go into Sarajevo but go round it, catching sight of the white graves of war.  Destination: the bus station of the Serbian part of Sarajevo.  Then a tram to go into the city.  It is 2003.  The war finished a long time ago yet it is still difficult to come to Sarajevo for the first time without imagining it mid-siege, without being haunted by death.  The Jewish cemetery is still not completely cleared of mines.  The modern centre is surely one of the prettiest cities in Europe.  Yet one can still see traces of bullets on the road signs. 

 

 


Tout commence par un voyage. Arrivée cette nuit à Belgrade. Bucarest est déjà loin. Nous prenons le bus. Destination : Sarajevo. Traverser les anciennes enclaves. Sentir la guerre. Se sentir spectateur. Se souvenir d’avoir été spectateur des années durant le siège de Sarajevo. Les stigmates de la guerre sont toujours présents. Maisons incendiées. Maisons bombardées. No Man lands inquiétants. Le bus n’emprunte que les routes contrôlées par les Serbes de Bosnie. On ne rentre pas dans Sarajevo. On contourne la ville. On distingue au loin la blancheur des pierres tombales des cimetières de la guerre. Destination : La gare routière de la partie serbe de Sarajevo. Puis un tramway. Entrée dans Sarajevo. C’est une vraie cuvette. Une ville piégée. Nous sommes en 2003. La guerre est terminée depuis longtemps. Mais il est presque impossible de venir pour la première fois dans cette ville sans l’imaginer assiégée. Sans sentir la mort rôder un peu partout. Cimetière juif. Pas encore complètement déminé. Le centre refait à neuf. Sûrement une des plus jolies villes d’Europe. Mais on voit encore à travers les panneaux de signalisation traversés par des milliers de balles. Je relis Bienvenue en Enfer d’Ozren Kebo. « La guerre à Sarajevo a débuté le 6 avril 1992. Date fatidique, début de l’ère des souffrances. Mais le 6 avril, tout le monde fut soulagé devant l’horreur qui s’abattait sur la ville. On supporte mieux le malheur que l’incertitude et la peur ; ce jour là, le 6 avril, nous passâmes de la période de l’incertitude intolérable à celle du malheur béat. Ensuite, tout est facile, le plus dur est de commencer. Ce premier mois d’avril de la guerre fut placé sous le signe de l’exode. Les plus sages, pris de panique, prirent la poudre d’escampette. Les moins avisés ne surent interpréter les raisons de leur peur. La ville s’éteignit. Dans le bazar, les seules échoppes encore ouvertes étaient deux triperies, une gargote, deux grills et deux pâtisseries. […]. Notre situation ne se précisa qu’à la fin du mois, quand l’étau du siège se resserra autour de la ville. Il fut clair alors que c’en était fini de la paix, que la guerre était là, une guerre où, ne respectant aucune règle, on se comporterait en sauvages. Ozren Kebo, Bienvenue en Enfer, Sarajevo Mode d’Emploi, La Nuée Bleue, 1997.

 

Pays : Bosnie-Herzégovine, Serbie
Lieu : Belgrade Sarajevo

Nombre de photos : 30