« Sensation émouvante que de se retrouver avec mon appareil photo devant ces hommes et ces femmes qui n’ont plus leur pleine conscience. Nécessité absolue de l’existence d’un contact, d’un lien, d’un sourire, d’une connivence, pour les photographier.
Au départ, je ne sais pas où me placer, je me sens de trop avec mon appareil. Je suis d’abord « autour » du groupe, extérieure. Je cherche la bonne distance. Le cercle se rétrécit au fur et à mesure des visites, du temps qui passe. Une femme, Maria DEVERS m’appelle « la Polonaise » parce que je lui ai dit que j’avais de la famille en Pologne, comme elle. Elle s’accroche à ça, elle le répète, en est heureuse. Au moment où ma cousine Caroline Weiss de Diesbach, alias le clown Vroum, de la compagnie Tecem, me propose de photographier son travail avec Cédric Castagne, alias le clown Adonus, auprès de personnes atteintes d’Alzheimer, je vis en Tunisie. Je tourne un film à Choucha, un camp de réfugiés de la guerre Libyenne.
J’ai toujours aimé le travail de Caroline, sa démarche sensible et poétique. J’accepte. Je viendrai donc une fois par mois.
Je photographie Vroum repoussant les limites. Elle fait danser, virevolter, chanter ces femmes et ces hommes, parfois partis dans un monde qui n’appartient qu’à eux. J’ai peur qu’ils se cassent, qu’ils se perdent ! Mais non, ils valsent, s’encanaillent, s’ancrent dans l’instant, rient aux éclats, retrouvent leur souplesse et leur répertoire de jeunesse avec une émotion communicative. Transformation.
Les corps se délient, s’ouvrent, se réinventent, s’animent. J’entre dans le cercle, la valse. Happée par la magie, je danse, chante et ris avec eux, et appuie sur le déclencheur. Je suis à la fois dedans et dehors. Ils aiment tant le contact physique, à croire qu’on ne les touche plus – cette solitude du grand âge et de la maladie. Je tente de capturer ces instants où les corps entrent en contact. Où les regards se parlent, là où les mots sont inefficaces.
Lorsque nous les quittons, ils sont souriants, les yeux pétillants. Ils sont animés».

Sophie Bachelier

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Depuis quelques années, la compagnie Tecem, avec la clown Vroum et ses acolytes proposent des spectacles déambulatoires et participatifs au sein d’établissements hospitaliers, d’EHPAD et d’accueils de jour. Ces minis spectacles déambulatoires sont nés d’une volonté d’aller à la rencontre d’un public ciblé, de personnes âgées qui ne se déplacent plus, ou presque plus. Ces interventions, au fur et à mesure des années, se sont enrichies des rencontres faites avec les résidents. Formidables moments de partage où les yeux, croisant ceux des clowns, se mettent à scintiller. Instants magiques où le présent compte avant tout et où, au contact des clowneries musicales, les sourires et les désirs renaissent. Moments intenses nous unissant dans une gaité intemporelle. Le projet de cette exposition est né du désir d’immortaliser ces instants magiques. Paradoxe d’une rencontre où l’éphémère nous livre un autre regard sur la vieillesse. La photographe Sophie Bachelier a su, avec une grâce particulière, avec bienveillance et la grande humanité qui lui est propre, reconnaître chacun de ces instants magiques. Elle a su être le révélateur de la beauté de chaque personne. Cette exposition de 20 photographies de Sophie Bachelier est le résultat d’une année de travail en commun avec les clowns Vroum (Caroline Weiss de Diesbach) et Adonus (Cédric Castagne) de la compagnie Tecem, au sein de l’accueil de jour les Balkans. Il est le fruit d’une collaboration exceptionnelle avec toute l’équipe des Balkans : Amélie Lartaud, Zoubida Belaïd, Carla Tomas, Gerty Van Damme, Laurène Guinement, Mata Dembelé et Jeanne Tseng King. Enfin, il est le révélateur de rencontres de personnes remarquables qui nous ont offert leur joie, leur beauté et leur amour.

À ce titre, nous remercions chaleureusement : Eliane Benel, Rosine Chabrerie, Maria Devers, Germaine Houbron, Jean Betrom, Yogaratnam Kanapathipillai, Jean Vaillant, Michel Champalou, Liliane Pascua, Chafik Aït-Ahmed, Claude Chazelon, Marie Thérèse Jourdain.

Caroline Weiss de Diesbach