Green Wall

Julien COQUENTIN


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La scène se déroule sur la cordillère de Bornéo séparant la Malaisie de la partie indonésienne de l’île, le Kalimantan, dans le haut Baram, région isolée du Sarawak. Il est 5h30, le jour n’est pas encore levé mais résonnent déjà dans la vallée les coups portés sur un bambou : Le tubung. Aux quatre coins du petit village de Balai, les coqs se mettent à chanter, quelques fidèles se lèvent, empoignent leurs lampes et rejoignent l’église. L’obscurité zébrée de faisceaux lumineux commence à mourir, c’est l’heure de la prière. Les Penans ont été christianisés au 20ème siècle par des missionnaires britanniques et chaque jour, à tour de rôle, la population officie. Ce matin de novembre 2012, deux femmes sont à la lecture, dans un silence de nouveau monde qui s’éveille, silence seulement troublé par les murmures et les chants. Balai est un des 18 villages qui ont annoncé en mai 2012 la création du Penan Peace Park (PPP), après deux ans de rencontres entre les communautés. Une zone couvrant une superficie de 1628 km2 que les Penans reconnaissent comme une terre coutumière, mais que le gouvernement du Sarawak a toutefois concédé à quelques compagnies forestières, notamment Samling la multinationale la plus active dans la région. Cinquante-six pourcents du PPP est recouvert de forêts primaires, les quarante-quatre restants abritant des forêts secondaires consécutives à la déforestation. Celle-ci est attribuée pour 27% aux compagnies forestières, 12 % à l’activité agricole des Penans et 5 % aux feux de forêts. Environ 1800 Penans, soit un peu plus de de 10 % de leur population au Sarawak, vivent au sein du PPP. Le Penan Peace Park est un ambitieux projet, considérant le déséquilibre des relations de pouvoir entre quelques villages isolés dépourvus de moyens de communication et des compagnies forestières cotées en bourses secondées par un gouvernement du Sarawak semi-autoritaire disposant d’une forte autonomie politique et économique. Ainsi « Green Wall » est l’histoire de deux murs se font face : la forêt du Sarawak et les plantations industrielles. C’est aussi l’histoire des Penans, un peuple traditionnellement nomade progressivement sédentarisé depuis les années 50, un peuple qui a cependant su préserver jusqu’à aujourd’hui une relation intime avec la forêt. Enfin c’est l’histoire d’une idée et d’un espoir, le Penan Peace Park, une zone préservée dont les fragiles frontières s’égarent dans la jungle de Bornéo. Une revendication territoriale que des avocats défendent avec passion devant les cours de Malaisie.

Soutien : Fond Bruno Manser
Pays : Malaisie

Nombre de photos : 60