DIS PAPA

Geoffroi CAFFIERY

CAFFIERY


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Préambule

« Dis papa » est un dialogue photographique avec mon fils A. Les paroles d’A sont présentées au sein d’illustrations et du texte final. Mes réponses sont en italique. Le titre des photos correspond à ma position en tant que témoin et père. Trois personnes sont identifiables sur les clichés : A, son frère et moi. Ce propos débute le 10 décembre 2010, jour de sa première hospitalisation.
Les crises et les rechutes sont des épisodes où prédominent les signes dits positifs, des épisodes agités interrompant des périodes en apparence plus calmes. Le vécu de la rechute par les patients et leur entourage est très rarement présenté comme un récit photographique.


La schizophrénie est sans doute l’un des troubles de santé les moins bien compris. Malheureusement, les patients atteints de schizophrénie sont aujourd’hui stigmatisés à travers les yeux de la société car relevant des stéréotypes les plus négatifs. Ils sont considérés comme plus dangereux et imprévisibles en comparaison des patients souffrant d’autres troubles mentaux. Beaucoup pensent que les personnes schizophrènes souffrent d’un dédoublement de la personnalité ou de personnalités multiples . En réalité, cette maladie se caractérise par un ensemble de symptômes fluctuants et rarement présents de façon simultanée.

Mon fils, comme beaucoup d’autres a subi de nombreux soubresauts : le deuil prématuré d’une mère, la maladie au moment où il aurait dû s’affranchir et vivre une vie autonome et authentique. Ce récit commence en décembre 2011 à l’annonce de cette affection sévère et chronique. J’ai tout d’abord pris des notes écrites pour rendre compte au médecin de ce que mon fils vivait… Une fois l’état de stupeur passé, les notes se sont faites de plus en plus précises pour que ma mémoire n’altère pas ce qui avait été vécu. L’acceptation a ouvert la porte à une autre forme d’engagement, celui de témoigner du trouble entre le moi et le monde extérieur. L’association des textes et des photographies s’est alors imposée.

Les phases actives de la maladie de mon fils sont des périodes où les symptômes de délires, d’hallucinations, de sentiments d’étrangeté, se manifestent de façon aiguë. L’hospitalisation est souvent indispensable car les symptômes peuvent devenir d’une gravité telle que des soins particuliers doivent être prodigués. En phase de stabilisation, mon fils se tient à l’écart, éprouve des difficultés à établir des liens affectifs, manifeste une certaine incapacité à s’inscrire dans une démarche d’insertion socioprofessionnelle. Loin du désarroi affectif connu dans les phases aiguës, ma famille reste le socle d’une vie intime où nous nous attachons aux détails d’un quotidien teinté parfois de rire, mais aussi de bienveillance et d’amour.

La pratique de la photographie, depuis une trentaine d’années, s’est rapprochée du milieu des arts plastiques au point d’altérer voire de falsifier très souvent l’image du visage ou du corps. Photographier quelqu’un atteint de troubles mentaux, c’est complexe car il y a l’objet maladie et le sujet malade. L’approche photo dresse la chronique d’un quotidien d’une famille qui se poursuit malgré la maladie. Les images sur écrits présentées ici se posent en témoins des représentations de l’isolement, de la confusion comme de la souffrance psychique.

Geoffroi Caffiery


« La stigmatisation de la schizophrénie est une double peine pour les malades », cf. le monde science et techno en date du 27.09.2017

Pays : France

Nombre de photos : 40