Cavalieres

Patrick BLANCHE


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In 1993, a few years after the fall of the USSR, the dollar was legalised and the country opened its doors to tourism.  The dollar quickly became an obsession for the majority of people paid in Cuban pesos, Monopoly money constantly decreasing in value.  Uncle Sam’s note suddenly gave access to all sorts of possibilities yet also to the black market.  Luxury shops opened where you pay with dollars.  The slow death of the peso did prevent the emergence of those practising the oldest job in the world attracting a new clientele: the western tourist.  In Havana they are not called prostitutes or sluts but jinetera (riders.)  The phenomenon is so large that the state has sent police to “clean up” Varadero.  Some thousands of girls are sent back to their province.  Echoing them, many future visitors cancel their trip.  Sensuality is an integral part of life for these people, meaning that the line between  “jineterism” becomes hazy.  Tourists can not for long be indifferent to this undeniable heat.  For the girls, the “clientele” open the doors to another world, one of comfort.  Luxurious restaurants, discos, swimming pools which make daily troubles go away.  In a country where thousands of men and women flee poverty and oppression escaping by sea on a few planks of wood, prostitution offers an alternative.  Under the insistent charm of these affectionate women, certain foreigners often them the precious “invitation card” – a seat on a foreign airline which gets them out of Cuba. 

 


Cavalieres En 1993, quelques années après la chute de l’URSS, le dollar est légalisé. En même temps, le pays s’ouvre au tourisme, ultime alternative à une économie asphyxiée. Rapidement le dollar devient une obsession pour la grande majorité du peuple rémunéré en peso cubain, une monnaie de Monopoly constamment dévaluée. Le billet de l’Oncle Sam donne soudain accès à toutes les promesses, illusoires, mais aussi, de manière plus pragmatique, à tous les produits essentiels présents sur le marché noir. Puis on ouvre des magasins «de luxe» où on paye en dollar. On teinte leurs vitrines pour prévenir les attroupements et on filtre leur accès pour éviter les affrontements. Cette «mort lente» du peso ne tarde pas à faire resurgir des entrailles de la ville les actrices du plus vieux métier du monde. Et à attirer une nouvelle clientèle: le touriste occidental. À La Havane, on ne dit pas prostituée ou pute, on surnomme jinetera (cavalière). On ne dit pas faire le tapin, mais « buscar el pan » (chercher le pain). Le phénomène prend une telle ampleur que l’État envoie la police «nettoyer» Varadero, la précieuse station balnéaire du pays. Quelques milliers de filles sont renvoyées dans leur province. En écho, autant de futurs visiteurs annulent leur voyage vers Cuba. La sensualité fait partie intégrante de ce peuple. Les regards s’y échangent plus appuyés qu’ailleurs, les mains s’y font plus caressantes et les sourires plus tendres. Cette composante rend la frontière avec le «jineterisme» d’autant plus floue. Le touriste en mal d’affection ne reste pas longtemps indifférent à cette chaleur indéniable. De quoi perdre la tête. Pour ces filles, côtoyer des Occidentaux rime avec la quête des précieux dollars qui sortiront, temporairement, une famille de l’impasse. Mais cette «clientèle» ouvre aussi les portes à l’autre monde: celui du confort et de l’aisance. Restaurants de qualité, discothèques, piscines, magasins font oublier les privations quotidiennes épuisantes. Relations ambiguës ou s’alimente l’ego et le plaisir des uns au détriment de la misère morale des autres. Dans ce pays ou des milliers d’hommes et de femmes fuient la pauvreté et l’oppression idéologique en prenant la mer sur des chambres à airs arrimées à quelques planches de bois, la prostitution offre une alternative aux candidates au départ. Sous le charme insistant de ces femmes câlines, certains étrangers leur offrent, moyennant d’onéreuses et laborieuses démarches administratives la précieuse «carte d’invitation». C’est la sortie par la «grande porte». Pas de bouée de sauvetage, mais un siège sur une compagnie aérienne étrangère!
 
Pays : Cuba
Lieu : Santiago de Cuba

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