MISSES JONES


Malika MIHOUBI, Loïc XAVIER



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Ces portraits de femmes en prison proposent une réflexion sur le paraître et sa relation à l’identité. L’ouvrage ne révèle rien de leurs réalités sordides, de la taule, des barreaux, des cris, du sexe ou du manque de sexe, du manque tout court, de la violence, des toxs, de la solitude, du pouvoir de l’argent et de l’abus de pouvoir, de l’infantilisation, de l’injustice et de la pauvreté. Des 7 ou 9m2, il met en avant, le seul territoire qui soient à elles, leurs corps.

Peut–être mutilés, sûrement cachetonnés, en dessous des dentelles et des bras scarifiés, cette fourrure blanche, de ces bijoux, ces robes et de ces falbalas, leurs corps parés révèlent plutôt qu’ils ne cachent, leur humanité. En permutant les codes de la représentation du portrait, ce livre propose de voir ces femmes autrement.

Ce travail photographique explore la coexistence de différents espaces de reconnaissance au sein d’un même lieu caractérisé par la privation et la dépersonnalisation. En centre de détention, lieu voué à l’enfermement et à l’exclusion, il existe malgré tout des espaces de liberté relative pour l’expression des individualités. Il y a les espaces  »soupapes » qui font partie du système carcéral qui en réglemente l’accès et l’usage, comme ce salon de coiffure, et ceux plus éphémères comme celui fabriqué le temps d’un atelier photographique.

Au théâtre, le costume est avec le décor, le premier signe visible pour le spectateur. Il relève à la fois du réel (volume, matière, couleur) et du fictif à travers les codes de représentation qu’il véhicule. Seconde peau du comédien, le costume caractérise le personnage, l’inscrit dans une référence historique, sociale, participe à sa gestuelle et, plus largement, à la dramaturgie. En milieu carcéral, le costume de scène introduit tout un champ esthétique, poétique et symbolique qui rend possible une nouvelle apparence aux antipodes des stéréotypes de la femme détenue.

Dans une perspective critique de l’ordre et des codes établis par les schémas de mise à l’écart, la parure permet de créer une position d’émancipation et de subversion.

La mise en scène volontairement valorisante crée des images-avatars qui interrogent la représentation et sa relation à l’identité. Elles déçoivent les attentes de l’imagerie collective des femmes détenues. En jouant avec l’apparence, s’installe une tension entre l’exigence de la reconnaissance et la nécessité du paraître. Il s’agit de brosser un portrait codifié selon des normes historiques et sociales considérées comme inaccessibles. La magnificence du costume permet cette transformation et désigne à proprement parler le personnage, dont l’identité sociale est reconnue au premier coup d’œil.

Avec leur accord, à visage découvert, ces détenues quittent leurs habits de non-personnes, de non vie sociale. Elles brouillent les cartes et révèlent un autre possible.



Editeur : ANDRE FRERE
Année de parution : 2019
Nombre de pages : 80
Langue : Français
ISBN 13 : 979-1092265866