MADE IN BANGLADESH


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En avril 2013, l’immeuble de confection textile Rana Plaza dans la banlieue de Dhaka s’effondre en emportant la vie d’un peu plus de 1000 ouvriers. Le Bangladesh, deuxième exportateur mondial après la Chine de prêt-à-porter devient durant quelques mois un important centre d’intérêt médiatique. Relançant ainsi les nombreux débats sur les conditions de travail des ouvriers, des enfants et de notre responsabilité en tant que consommateurs.
Toutefois, la plus grande catastrophe industrielle du Bangladesh reste le résultat d’un emballement généralisé et incontrôlé pour le prêt-à-porter depuis presque 40 ans. La valeur des produits textiles à l’exportation représentait 3,7 millions de dollars en 1985 contre 10,7 milliards en 2008. En 2012, l’exportation des vêtements représente 80% du revenu d’exportation du pays (cf. BGMEA Bangla Garnements Manufacturers and Exporters Associations).
Les accords commerciaux dont le MFA (le Multi Fiber Arrangement), la privatisation du secteur textile dans les années 1980, les formations par des groupes étrangers tel que le coréen Daewoo et une main d’œuvre à un coup très bas (27$ par mois en 2000) ont permis au pays le plus densément peuplé au monde (hors États insulaires) de s’imposer comme un géant du textile à l’exportation.
On assiste alors à l’émergence d’une classe moyenne récoltant les fruits de cette économie du textile, dans un pays comptant 160 millions d’habitants, dont le pouvoir d’achat augmente continuellement. Les Bangladais eux-mêmes souhaitent porter des costumes, des vêtements de sport griffés Nike ou Adidas, des chemises aux coupes soignées, des t-shirts de grands clubs de football.
Néanmoins, les Bangladais ont des goûts bien particuliers, et les vêtements destinés à l’exportation sont inabordables et inadaptés à leur morphologie. Des pièces échappées des ateliers H&M ou Zara qualifiés de « export quality » se retrouvent dans quelques bazars du pays mais ne comblent en aucun cas la demande des Bangladais soucieux de leur apparence vestimentaire.
Pour satisfaire ces consommateurs, de nombreux ateliers ont vu le jour dans les principales villes du pays. De l’extérieur rien ne les distingue des ateliers de vêtements destinés à l’exportation. De grands ensembles en béton armé construits à la hâte et qui possèdent plusieurs fonctions, commerces au rez-de-chaussée, quelques habitations et bureaux au premier étage et enfin les vastes ateliers surchauffés dans les derniers étages qui abritent jusqu’à 300 employés.
Nous sommes ici loin des standards occidentaux : les machines ne sont pas alignées au centimètre, il y a ni salaire horaire ni même contremaître. Les femmes qui représentent la majorité des employés dans les ateliers occidentaux sont ici absentes. Les tailleurs travaillent, dorment et mangent dans un même espace. Ils sont payés à la pièce réalisée, assidus et parfois passionnés. Ils ont pour la plupart quitté leur village et leur famille pour s’installer dans ces ateliers vétustes et surchauffés qui deviendront leur nouveau foyer pendant plusieurs années

Photographies TOULET Jules
2015