IDOMÉNI

UNE ENFANCE DANS LES CAMPS


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Début mars 2016, j’ai passé 3 semaines en tant que volontaire avec des réfugiés dans le camp d’Idoméni au nord de la Grèce – la Macédoine venait juste de fermer sa frontière.
Ils arrivaient chaque jour plus nombreux, en famille, épuisés après un long et dangereux voyage. Mais ils étaient heureux parce que persuadés qu’ils allaient pouvoir continuer leur route vers la terre promise, le nord de l’Europe.
Mais depuis peu, Idoméni, n’était plus qu’un cul de sac synonyme de désespoir et de misère où végètent des milliers de familles. Je les ai vu jour après jour se transformer, perdre la raison, être avalés par ce camp inhumain. Mais comment pourrait-il en être autrement quand on a tout perdu, parfois même sa famille et que l’on a plus d’espoir, plus de but à atteindre ?
Ils manquaient de tout, ils vivaient au milieu des ordures et des excréments. Ils manquaient de toilettes, de points d’eau, ils faisaient des heures de queue pour avoir un bol de soupe ou voir un médecin … Leurs journées se résumaient à satisfaire les besoins primaires (boire, manger et se chauffer) et à attendre. Mais attendre quoi ?! On peut supporter l’insupportable, on peut traverser des mers et franchir des montagnes, tant qu’il y a de l’espoir.
Mais le 8 mars 2016, en officialisant la fermeture de la route des Balkans, l’Europe a mis fin à tout espoir.
Ce qu’on leur proposait, les laisser dépérir ici au nord de la Grèce ou les renvoyer en Turquie !
L’Europe avait rendez-vous avec l’histoire! Elle a raté ce rendez-vous.
Lorsqu’une civilisation se referme sur elle-même, qu’elle construit des murs plutôt que des ponts, elle s’appauvrit, et finit par s’éteindre !
J’ai ramené des photos à travers lesquelles j’ai souhaité rendre compte de leur quotidien, de leur histoire, de leurs espoirs, et surtout de leur désespoir. Mon reportage s’est naturellement orienté vers les enfants et la famille. Peut-être parce que j’ai moi-même deux petites filles et que je ne pouvais m’empêcher de penser à elles en voyant tous ces enfants. Probablement me rappelaient-ils aussi à moi, père de famille, à quel point ces hommes et ces femmes étaient courageux.

Le camp d’Idomeni a été évacué fin mai 2016. Ces photos n’en sont que plus importantes. Elles témoignent de ce qu’ont vécu ces familles, chez nous, en Europe en 2016.

Photographies BERNON Cyrille
2016