GROENLAND - Le dilemme des glaces


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5°C, c’est l’augmentation moyenne de température enregistrée en hiver depuis 1951 au Groenland. La fonte des glaces, accélérée par les effets du changement climatique, libère aujourd’hui l’océan durant près de 8 mois au cours de l’année -contre 5 mois il y a encore 20 ans- sur les parties sud et ouest de l’île.

Si les Inuits ne nient pas qu’ils observent un changement majeur de leur environnement, une grande majorité considère que c’est un cycle de la Terre comme leurs ancêtres en ont connu auparavant, et qu’ils s’adapteront, comme ils l’ont toujours fait. Leur survie durant des siècles tient à leurs capacités d’adaptation et à leur pragmatisme. Pour le moment, ils saisissent l’opportunité qui leur est offerte. L’image du chasseur inuit isolé sur un morceau de banquise à la dérive, contraint de quitter son village parce qu’il ne peut plus chasser ou pêcher, les agace fortement. Beaucoup d’entre eux le disent : « Ce n’est pas notre réalité. C’est votre fantasme. »

Longtemps ignoré, l’Arctique représente aujourd’hui un nouvel enjeu géopolitique. La fonte des glaces a déclenché une compétition autour de ses importantes ressources minières -dont les terres rares et l’uranium- les hydrocarbures, et les nouvelles voies maritimes commerciales. Le Groenland, désireux de s’affranchir d’une dépendance économique -et à terme politique- vis à vis du Danemark, se trouve aujourd’hui face à un dilemme : L’exploitation de ressources à risques face à la préservation de son environnement, qui est au centre de toute la culture Inuit.
Face à ce nouveau contexte énergétique mondial et à l’investissement risqué que représente l’exploitation offshore, trois compagnies pétrolières ont abandonné leur licence d’exploration en 2016. Consultée par sondages, la population groenlandaise se déclare favorable à l’exploitation minière, mais oppose une forte résistance à la pollution du traitement des terres rares et de l’uranium. Dans l’incertitude, le Groenland reporte alors tous ses espoirs sur le secteur de la pêche, qui représente déjà 90% des exportations du territoire, demeurant la première source de subsistance pour les villages côtiers ; au risque d’entrer dans une exploitation intensive, alors que l’avenir des ressources halieutiques en Arctique, très affectées par les effets du changement climatique, reste très incertain ; au risque de créer une dangereuse dépendance pour tous les pêcheurs côtiers qui disposent de peu d’opportunités de reconversion et de les fragiliser en les poussant au surendettement. La plupart ne pourraient pas résister à une ou deux « mauvaises saisons ».

En 2016, la compagnie étatique Royal Greenland affichait un bénéfice record de 954 millions d’euros.
La production est destinée en priorité aux marchés américains, asiatiques et européens dont la demande a doublé en 25 ans.
Une Story avec Niels Moolgard, pêcheur à Qeqertaq.

 

Le reportage « Le dilemme des glaces »s’inscrit dans le projet Humans&Climate Change Stories dont l’objectif est de proposer une approche documentaire des effets du changement climatique à travers l’histoire de 12 familles réparties sur le globe, suivies tous les 3 ans sur une durée totale de 10 ans. A travers leurs récits et l’évolution de leurs parcours, nous tentons de mieux comprendre quels sont les effets du changement climatique sur notre vie quotidienne et nos capacités de résilience. Humans&ClimateChange Stories met également en perspective les dynamiques sociales, économiques et géopolitiques qui exercent une pression sur les phénomènes environnementaux.
Le projet propose une forme de narration immersive, diffusée à travers une approche multimédia.

www.humansclimatechange.com – f humansclimatechangestories
Le projet est soutenu par l’Agence de Coopération et de développement Suisse (DDC) et l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) et le groupe Verts/ALE au Parlement européen.
Photographies TURPIN Samuel
2017