DURANT LA GUERRE


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Depuis plus de dix ans maintenant, Hien Lam Duc sillonne l’Irak. Il a inscrit ce pays si profondément dans son cour qu’il en tire des clichés exceptionnels. La géographie de ce photographe est une géographie humaine. Il ne veut pas voir un peuple mais des individus. Un pari difficile, risqué même si l’on songe aux ruses qu’il a du déployer sous l’ère de Saddam Hussein, pour déjouer la surveillances des moukhabarat, ces agents des services de renseignements constamment en alerte. Ce qui n’a pas toujours été sans risque ni méprise puisque d’aucuns ont cru lire une propagande du régime. Hien Lam Duc veut s’approcher au plus près de la vie des Irakiens doublement meurtris, par un pouvoir fasciste et un embargo inhumain. Ses portraits, le flou généré par la focale utilisé, le gros plan témoignent de ce contact, de cette relation de confiance établie avant la prise de vue. Il faut le voir travailler, s’asseyant avec ses hôtes autour d’un thé, plaisanter avec eux, sonder leur quotidien, avant de préparer ses appareils et saisir l’instant propice. Ce faisant, la frontalité des portraits permettent aux images de se libérer du discours dominant et de rendre un hommage aux « gens d’Irak », comme il aime à les définir. Dans les hôpitaux ou les écoles, sur les marchés ou dans la fraîcheur des maisons, il a capté la lassitude mais aussi l’espoir de ces hommes, ces femmes, ces enfants soumis à un régime sanguinaire qui n’avait pour but que l’asservissement au profit de quelques uns.

Au mois de mars, pendant la guerre, alors que les bombardements et les combats déchiraient, séparaient, tuaient, décimaient des familles entières, Hien Lam Duc a poursuivi ce travail pour, une fois de plus, déceler la lumière de vie dans les yeux, les attitudes, les expressions de ce que l’on peut qualifier de modèles. Loin de la frénésie journalistique du « news », Hien prend le temps d’affirmer que l’histoire peut se lire dans les sillons d’un front ou dans les commissures de lèvres sèches. De la gamine au vieillard, par petites touches, il crée un lien entre ces êtres humains, leur donne vie.

La série proposée, un choix minime au vu du volume existant, tire sa force de cette relation créée au-delà de l’objectif, de l’inclusion du contre-champ dans l’image. C’est fascinant.

Pierre Barbancey

Photographies LAM DUC Hien