AUTISME


This post is also available in: Anglais

Le Corry : Association Psychose et Autisme
En 1995, commençant un travail d’auto-représentation photographique, j’ai été amenée à m’interroger d’emblée sur la nature de la mémoire individuelle et sur les différences qu’elle engendre. Manifestation d’une différence issue des ruptures de communication dès l’enfance, l’Autisme m’a conduit à approfondir ces questionnements.Dans ce propos social, j’utilise des moyens formels qui se rapprochent, non pas du langage cinématographique, mais de la gestuelle même de ces attitudes individuelles et de la singularité de chacune d’entre elles.
L’agencement en séquences rend compte de l’aspect répétitif des comportements et des espaces de leurs fractionnements. Il permet aussi de témoigner du fait qu’à l’intérieur de ces espaces, et au-delà de leurs propres ruptures, se créent également des moments de communicabilité.À travers cette démarche, et par opposition à une vision collective méconnaissant les différences réelles, ce reportage, m’a donné la possibilité d’exprimer l’importance de la rencontre humaine.Ce reportage a été effectué durant six mois au sein de l’Association Psychose et Autisme : Le Corry, lieu de vie situé à Ferran dans l’Aude reçoit des enfants entre 10 ans et 18 ans.LEGENDES01 – Derrière la vitre, perdu dans la profondeur de son monde intérieur, Abdu fixe le néant.02 – Petit prince noir qui se joue de la lumière et se déjoue de son ombre comme de son reflet.03 – Peu attentive, je pense que Cyril me regarde. En gros plan l’oeil se referme vers l’intérieur de soi ou s’anime vers un ailleurs.04 – Le garçon se cache, il joue avec le chien puis il suspend l’action du jeu comme si sa propre temporalité s’arrêtait.05 – Allongé, le corps tendu, Abdu semble sucer son doigt comme pour combler la part de vide qui est en lui.06 – Quand la tête repose, le corps pense et tente de bousculer l’immuabilité du morceau d’objet.07 – Pierre a posé son regard et en a oublié le corps de l’autre.08 – On répète des moments, on souffre, on se balance en gémissant, on ne voit plus à cause des multiples tentatives d’auto mutilation. Qu’est ce qui prouve que Cédric regarde, qu’il pense, qu’il est là ?09 – Éplucher des carottes et pour se rassurer prendre appuis à la structure d’un mur.10 – La jeune fille regarde avec fixité son compagnon, il se love tendrement.11 – Rupture des images, répétition de la solitude, ensemble de singularités individuelles qui ne paraissent pas inter commutables.12 – Abdu est là au milieu des autres et pourtant…13 – Être là immuable au centre d’une convergence d’ombres ou au départ d’une divergence éclairée.Alors que le temps s’écoule dans les tuyaux, d’un infini à l’autre, d’image en image, d’heure en heure, de jour en jour.14 – La maladie a déformé le corps de Cyril et même d’un coup de baguette magique, rien ne pourra plus jamais être comme avant.15 – Te voir me regarder au milieu du désordre des autres. Chacun "bat" à son rythme et tout apparaît dissolument fractionné.16 – Abdu a attaché son doudou à sa vie de peur de la perdre.17 – Dans mes deux mains, j’ai mis toute l’essence de ma personne ; le visage de Yasmine est en paix.18 – De loin nos regards semblent se croiser. En ma présence Abdu se referme. Pouvons nous être complice sans peur ? Pouvons nous échanger quelque chose?19 – L’envie d’être aimé par l’autre déclanche le partage d’un geste, d’un verre d’eau, d’un symbole.20 – On peut cheminer ensemble, rompre son isolement pour se toucher la main.

Photographies ESTEBAN Framboise