Il existe trois temps dans l’histoire de Sarajevo de ma génération.
Il existe un Sarajevo d’avant la guerre, un temps paisible où nous étions heureux et où le 6 avril n’était pas encore devenu une date macabre. Ce jour, nous fêtions la libération de notre ville à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et nous étions fiers de devenir les pionniers du Maréchal Tito. En lui prêtant serment, nous croyions à l’immuabilité des symboles qui nous entouraient, et dessinions de jolis dessins en son honneur.

Il existe aussi un Sarajevo dont la souffrance a commencé le 6 avril 1992, le jour de grandes manifestations pour la paix et celui du dressement de premières barricades, annonciatrices de quatre ans du siège de la ville. Ce jour où nous croyions encore en la force de notre jeunesse, en cette vie commune exemplaire qui faisait la fierté de plusieurs générations de Sarajeviens.

Et puis, il y a Sarajevo d’après-guerre, la vie normale qui reprend petit à petit, les plaies qui peinent à cicatriser, les souvenirs qui continuent à nous hanter et à nous faire vivre dans un éternel lien avec la ville, indépendamment du lieu où on se trouve.
C’est ce lien que je tente de démontrer à travers les photos d’aujourd’hui.
Mes yeux sont imprégnés d’images de Sarajevo ; même clos, ils revoient des scènes vues avant ou pendant la guerre ; ouverts, ils les trouvent à chaque coin de rue, à Paris, Avignon ou Orléans, ou ailleurs en Europe, à Prague, St Petersburg, Copenhague, Londres, plus loin encore, sur d’autres continents, à New York ou au Mexique.

Les flashs souvenirs sont le fil conducteur de cette exposition. Ils sont rarement en rapport avec un évènement précis. Il s’agit plutôt d’une sorte de voyage à l’intérieur de moi-même que je tente de décrire à travers la photo et de faire partager aux autres.

Tous les ans, lorsque le mois d’avril approche, je fais ce voyage et j’espère que vous m’y accompagnerez…MILOMIR KOVACEVIC
Né en 1961 en Yougoslavie, Milomir Kovacevic commence sa carrière de photographe au Club universitaire de photographie (CEDUS) à Sarajevo.
Deux ans après, il devient membre de l’Association des artistes de la Bosnie-Herzégovine.

Photographe de presse et chroniqueur visuel de Sarajevo pendant plus de 10 ans, Kovacevic saisit les images de la vie de rue et capte l’atmosphère des événements culturels et politiques.

Dans les années 1990, il suit de près la guerre à Sarajevo et, de jour en jour, témoigne de ce qui se passe à l’intérieur de la ville assiégée. C’est au cours de cette période qu’il réalise de nombreuses séries de photographies et devient l’auteur de plusieurs expositions individuelles.

En France, Kovacevic poursuit son travail de photographe. Il explore de nouveaux sujets et expose à l’étranger (Etats-Unis, Japon, Russie, etc…).

En 1998, il reçoit le prix de la Fondation CCF (aujourd’hui HSBC).
Récompensé de la médaille du Chevalier de l’Ordre du Mérite en 2007,
Milomir Kovacevic vit et travaille à Paris.