PORTRAITS EN FLEURS


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Entre couleurs, fleurs et odeurs, l’Inde se raconte et tisse une iconographie immédiatement reconnaissable. Hommage à notre année indienne, le travail photographique de Denis Dailleux en est la quintessence. Réalisées en Inde, au moyen d’un boîtier argentique 6 × 6, les compositions du photographe sont des bouquets de senteurs et de couleurs parfaitement agencés où posent tour à tour hommes et fleurs. Denis Dailleux porte sur eux un regard sensible, aimant. De la fragilité des vies et des végétaux, il exalte une beauté incroyable. Ses photographies sont des poèmes.

 

DE FLEURISTE À PHOTOGRAPHE
Avant de vivre de sa photographie, Denis Dailleux travaille pendant dix ans pour Christian Tortu, le fleuriste qui révolutionne la composition florale dans les années 1980 à Paris. Angevin comme Denis, Christian Tortu est un amoureux de la nature, celle qu’il a connue dans le jardin de ses parents. Ses compositions mélangent des fleurs, des plantes, des fruits et des légumes. Dépourvues d’artifices, elles offrent une interprétation directe de la nature sauvage et libre. Cette longue expérience autour de la composition florale et son attachement aux espèces végétales se retrouvent par touches dans nombre de ses travaux, notamment ceux réalisés en Inde.
Photographe attentif et patient, Denis Dailleux a une approche très personnelle du portrait. Il possède ce talent incroyable de capturer l’intensité d’une expression, un regard, une position du corps. Il joue avec les zones d’ombre et de lumière pour donner à ses images une plastique picturale. Ayant longtemps résidé en Égypte, Denis Dailleux s’est fait connaître notamment à la suite de la publication aux éditions du Chêne de l’ouvrage Le Caire et pour sa série Mère et fils couronnée de prix. Travaillant sur la longueur et privilégiant la mise en confiance, le partage d’un temps commun, il tisse des liens amicaux avec les hommes et femmes qu’il photographie. Au cœur de sa démarche, il y a toujours le respect de l’autre, de son altérité et de sa personnalité. Il prend le temps de revenir régulièrement sur ses terrains de prédilection. Ses projets prennent corps au fur et à mesure des mois, voire des années. En témoigne la magnifique série en noir et blanc de portraits de sa grand-tante Juliette, dans laquelle il documente les années qui passent. En Inde, Denis Dailleux s’est rendu dans deux lieux emblématiques des fleurs : le Tamil Nadu, au sud-est, berceau des plantations de fleurs, et le marché aux fleurs de Calcutta.


ET LES PLANTATIONS DE FLEURS À PARFUM

Le marché aux fleurs de Calcutta, aussi appelé Mullick Ghat, est le plus grand de l’Inde et l’un des plus importants au monde. Il se déploie le long des rives du Hooghly, le bras occidental du Gange, juste en dessous de l’impressionnant pont de Howrah. Coincés entre les rives du fleuve et une ligne de chemin de fer, les vendeurs s’installent dans des échoppes ou à ciel ouvert, disposant les fleurs sur de grands tissus au sol au milieu de la foule. Certains portent les fleurs en guirlande autour du cou et sur les épaules, déambulant parmi les passants pour vendre leur marchandise. Les multiples effluves et les couleurs éclatantes témoignent de la variété des fleurs fraîches proposées chaque jour sur le marché. Jasmins, tubéreuses, glaïeuls, reines marguerites, amarantes, chrysanthèmes, roses d’Inde sont ainsi vendus au kilo. Ces fleurs servent notamment pour la puja, la cérémonie d’offrande et d’adoration aux divinités hindoues, aussi bien dans les temples que dans les maisons où sont installés des autels. La fleur offerte est choisie en fonction de la divinité honorée pendant le rituel. Elles sont aussi utilisées comme ornements lors des fêtes religieuses, des festivals et des mariages. Quelques années auparavant, Denis Dailleux s’était rendu dans le sud de l’Inde, dans la province du Tamil Nadu. Là, la culture des fleurs de jasmin et des tubéreuses n’est pas tant destinée à la parfumerie qu’aux immenses marchés de fleurs de la région, où les hindous achètent colliers et pétales destinés aux offrandes. La cueillette des tubéreuses, ces petites fleurs d’ivoire perlant au sommet de longues tiges vertes, s’effectue dès 1 heure du matin. Les femmes en sari se penchent à droite puis à gauche pour récolter la plante qui diffuse un des parfums les plus capiteux du règne végétal. Puis, à l’aube, commence la récolte très délicate des fleurs de jasmin. Leur parfum très intense s’échappe de pétales particulièrement fragiles, dont la cueillette demande les plus grandes précautions. Précaution et minutie qui caractérisent aussi la vision photographique de Denis Dailleux, qui s’attache à récolter divers aspects de la vie sociale et spirituelle indienne.


DENIS DAILLEUX, PHOTOGRAPHE

Denis Dailleux est né en 1958, à Angers. Il a vécu au Caire une quinzaine d’années, une ville qui a profondément inspiré son travail photographique. Artiste représenté par l’agence VU’, la galerie Camera Obscura à Paris, la Galerie 127 à Marrakech, la galerie Peter Sillem à Francfort, il a reçu plusieurs prix nationaux et internationaux (World Press Photo, prix Hasselblad, prix Scam-Roger Pic 2019…). Il est l’auteur remarqué de plusieurs livres : Habibi Cairo. Le Caire mon amour (Filigranes, 1997), Le Caire (Le Chêne, 2001), Fils de rois. Portraits d’Égypte (Gallimard, 2008), Impressions d’Égypte (La Martinière, 2011), Égypte, Les Martyrs de la révolution (Le Bec en l’air, 2014), Mères et fils (Le Bec en l’air, 2014), Ghana (Le Bec en l’air, 2016), Persan-Beaumont (Le Bec en l’air, 2018) et Juliette (Le Bec en l’air, 2019). Portraitiste confirmé, il travaille la plupart du temps au format 6 x 6, en couleurs ou en noir et blanc.


SHYAMALA MAISONDIEU, PARFUMEUR

Des grands-parents indiens, Shyamala a grandi en Malaisie. Si au départ elle s’imaginait astronaute, son diplôme d’ingénieur en poche, Shyamala écoute son cœur et choisit finalement le parfum, un monde d’émotion et de création qui la guidèrent jusqu’à Givaudan. Son style est un dosage subtil de poésie et de romantisme avec juste ce qu’il faut de gravité, et surtout, Shyamala Maisondieu a infiniment d’inventivité. Autant de compositions empruntes de douceur et de la sensualité exotique de notes telles que le jasmin ou la frangipane, les fleurs de son enfance en Malaisie. Bénéficiant d’une carte blanche totale, pour l’exposition de Denis Dailleux, elle a créé une fragrance comme un tableau d’impressions olfactives, autour de la tubéreuse et des épices… Shyamala Maisondieu, photographiée par Denis Dailleux.

PARCOURS DE L’EXPOSITION
Située dans les salles du rez-de-jardin du musée, l’exposition est composée d’une trentaine de photographies réparties sur deux salles, tandis que la découverte olfactive se situe à la fin du parcours scénographique. Dans cette dernière salle – totalement noire – est diffusée la création parfumée de Shyamala Maisondieu. Préservé de toute nuisance visuelle, le visiteur est plongé dans l’obscurité pour éveiller pleinement son sens olfactif et s’évader en Inde les yeux fermés.

 


En partenariat avec l’Agence VU’ et Givaudan

Commissaire de l’exposition Charlotte Urbain

 


 

Photographies Denis DAILLEUX

Entrée libre
Du 04/07/2022 au 02/10/2022
MUSÉE FRAGONARD
14 rue Jean Ossola
06130 GRASSE
France

Téléphone : 04 93 36 02 07