MOVING WALLS


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C’est la deuxième exposition dans le nouvel espace d’Open Society et la 21ème edition de leur programme Moving Walls. Récompensés cette année pour leur façon de raconter différemment l’Histoire, cinq photographes âgés de 25 à 47 ans enquêtant en Afrique, en Asie, en Europe et en Amérique latine sur les dégradations actuelles de la condition humaine ou les vestiges toujours tranchants d’un conflit ancien. A une extrémité de l’Europe, Diana Markosian documente la limitation de plus en plus marquée de la sphère d’expression des femmes qui, depuis la fin du dernier conflit en 2009, ont graduellement perdu leur statut d’individus pour devenir la propriété des hommes. Contrainte elle-même par cette nouvelle condition d’existence féminine dans un pays où elle vivait jusqu’à sa récente installation en Birmanie, Diana Markosian s’est intéressée particulièrement à la jeunesse, à ces adolescentes privées d’un instant aussi magique que fondamental dans le développement de leur identité.Autre atteinte à la liberté, celle que dissimule Hong Kong sous son explosion de néons et de consumérisme. Mark Leong, qui y voyage depuis 1989, parle d’une “d’une crainte que Hong Kong ne devienne juste une autre ville chinoise privée de liberté.” Avec le soutien de National Geographic, il a développé une série aux couleurs explosives et compositions criardes, cataloguant les signes aveuglants d’une inégalité sociale de plus en plus inquiétante. Les artistes protestataires risquent l’arrestation. Les prostituées mettent de coté assez d’argent pour acheter des appartements sur le continent. Les chauffeurs de taxi sont forcés de cumuler autant de téléphones, CB et radios pour intercepter des clients que leur tableau de bord finit par ressembler à un cockpit d’avion. Les immigrés indonésiennes s’entassent le week-end sur des touffes d’herbe éparses sous un pont d’autoroute comme elles le feraient à la plage sous un ciel dégagé. Une inquiétante cacophonie.A l’opposé de ces lumières étincelantes se dressent les murs éteints des industries grecques : l’ancienne fabrique de sucre qui nourrissait une large partie de la population européenne, l’ancienne usine de plastique dont il ne reste que des bidons vides qui jonchent le sol comme des déchets, l’ancienne production de tapis traditionnels. Si Nikos Pilos les capture comme des monuments, elles n’en demeurent pas moins les ruines fugitives d’un temps révolu. On croirait voir Detroit après le crash économique. Sur une photographie d’un bureau sens dessus dessous trône toujours une carte blanche de la Grèce, comme si son tracé était la seule chose que la crise avait laissé au pays. Vestiges d’une autre histoire, les chaussures photographiées sobrement par Shannon Jensen. Celles, détruites par des semaines de marche, avec lesquelles les réfugiés du Blue Nile atteignent la frontière du Sud Soudan, quand ils ne sont pas morts d’épuisement sur la route. Par l’intermédiaire d’un objet aussi anodin, essentiel et universel que les chaussures, la photographe en dit plus long sur les conditions de leur exil, plus qu’avec les larmes et les expressions déglinguées qu’elle a capturées dans trois autres reportages au Sud Soudan. Chaque paire de chaussures est accompagné d’un témoignage de leur propriétaire, de ces marcheurs de tout âge qui venaient lui présenter eux-mêmes leurs souliers déchirés quand ils ont compris la puissance de ce mode de représentation. En plus de la diversité géographique et générationnelle, Moving Walls s’attache à représenter une variété d’écritures photographiques, subtilement complétées cette année par le travail de João Pina. A partir d’archives existantes et de matériel collecté aujourd’hui sur le terrain, il dévoile un aspect inconnu de la guerre froide : mise au point par l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay, le Paraguay, la Bolivie et le Chili dans les années 70 et 80 pour anéantir toute opposition politique, une opération nommée Condor a causé un nombre de disparitions traumatisantes, évaluées à 30 000 personnes pour la seule Argentine. Depuis huit ans, parce que son histoire personnelle est intimement lié à cette histoire transnationale, le photographe compile les indices visuels de cette sordide intrigue. Il rencontre les familles des disparus politiques, accompagne les policiers lors de l’exhumation de corps ensevelis trente ans auparavant, retourne dans les prisons et centres de tortures aujourd’hui abandonnés, fouille dans les documentations policières afin que cette histoire ne finisse pas, comme la plupart des corps, au fond de l’océan. Alors que les procès condamnant les instigateurs de ce réseau meurtrier commencent à peine à s’ouvrir, ce reportage au long cours financé par la seule passion confronte à la réalité de l’histoire, celle que les accusés, que l’on voit se cacher le visage dans les récentes images de João Pina, semblent ne pas vouloir affronter. 
Photographies Diana MARKOSIAN. Mark LEONG. Nikos PILOS. Shannon JENSEN. João PINA.

Du 29/01/2014 au 06/10/2014
ESPACE OPEN SOCIETY
224 West 57th Street
NY 10019 New York
États-Unis

Téléphone : 1-212-548-0600
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