Les tatouages du milieu


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De tous les sujets de société traités par Robert Doisneau [1912-1994], celui des tatoués est sans doute l’un des plus atypiques dans l’univers lumineux et poétique du photographe. Le musée Nicéphore Niépce propose pour la première fois une exposition entièrement consacrée à ce travail, regroupant près de 70 tirages argentiques d’époque, dont quelques planches-contact, issus des collections de l’Atelier Doisneau et du Centre national des arts plastiques.

C’est Robert Giraud, poète, écrivain, journaliste et spécialiste bohème des bas-fonds de Paris, qui introduit Robert Doisneau, son ami, dès 1947 auprès de ses nouveaux modèles. Avec lui, Doisneau va découvrir un univers qui lui est étranger. « Avec lui j’ai connu des marginaux. Un milieu de gens qui étaient tout à fait en rupture avec la loi. Bob jubilait en écoutant les prostituées, les souteneurs ; moi c’était un milieu qui me semblait assez bête. Les putains racontaient leurs histoires de fesses, ça n’était pas mon truc. Mais la pseudo distinction de Vogue ne l’était pas non plus, c’était un boulot qui avait fini par m’exaspérer. Tout compte fait, je soignais énergiquement avec l’ami Giraud ma dépression de photographe mondain ! ». Giraud était fasciné par les tatouages, les récits qui les accompagnaient. En compagnie de Doisneau et de Jacques Delarue, inspecteur de police et ancien compagnon de cellule durant la guerre, il arpente les bistrots des quartiers des Halles, de Mouffetard et de Maubert à la recherche de tatoués, en vue de l’édition d’un livre, Les tatouages du milieu, paru en 1950.
Ce petit livre d’anthropologie permet de mesurer la révolution qu’a connue en un demi-siècle le marquage des corps. Bien loin de l’engouement actuel dont il fait l’objet, le tatouage est alors l’apanage presque exclusif des délinquants, criminels, prostituées,… Il est un véritable langage pour des populations essentiellement composées de marginaux. Démunis d’autres moyens d’expression, ceux-ci faisaient graver sur leur peau appartenance aux clans, exploits, années de prison, de bagne, amours, haines ou espoirs. Chaque dessin est un code de reconnaissance interne au milieu, mais aussi une auto-stigmatisation. Dans la lignée de l’enquête de Lacassagne en 1881, le reportage photographique de Doisneau illustrant l’étude circonstanciée de Giraud et Delarue, constitue un témoignage éloquent sur le milieu interlope parisien de l’après-guerre.

Photographies Robert DOISNEAU

Du 19/06/2010 au 19/09/2010
Musée Nicéphore Niépce
28, Quai des Messageries
71100 Chalon-sur-Saône


Téléphone : 03.85.48.41.98
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