KANAKS


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Depuis les événements d’Ouvéa en 1988, Denis Rouvre est intrigué par l’énigme kanake. Qui sont ces Français, noirs de peau qui vivent à 22 000  km de la métropole, aux coutumes et mode de vie en décalage total avec les nôtres, à l’histoire si particulière et marqués par une colonisation sans  partage ? A l’invitation du Centre culturel Tjibaou, Denis Rouvre est resté pendant un mois en Nouvelle Calédonie : il a choisi de rester en immersion  dans la tribu kanake de Canala. Il en a ramené une série spectaculaire de portraits en couleur qui dessinent, en creux, le regard d’un «étranger»  dans son propre pays.L’art de la guerre commence avec l’affirmation d’un regard. Résister, c’est ne pas baisser les yeux. Depuis l’autre bout du monde, depuis l’autre  bout de la France, depuis la commune de Canala, à trente kilomètres au nord de Nouméa, Toawani Tonchane, Basile Kaitchou, Toawani Moasadi,  Franck Tomedi, Ezekia Diake nous regardent dans les yeux. Ils se présentent face à l’objectif du photographe. Ils se présentent face à nous. On ne  voit pas leurs corps mais on les devine fichés en terre, ancrés dans un sol dont jamais on ne pourra les déraciner. Ils sont fils et filles de la terre  kanak. Ils sont de la tribu des irréductibles, de Gelima, de Nonhoué, de Nakety, de Neho… Leurs visages ont les couleurs de l’argile séché et du  bois. Leurs cheveux sont de broussailles. Ce sont des hommes et des femmes paysages. La lumière du photographe accuse les reliefs et les  aspérités de leurs gueule rudes de pécheurs, d’agriculteurs, de soutiers de la mine. Elle épouse le grain et les sillons de la peau. Elle prend acte  du voltage intense des pupilles. Il y a de l’arrogance dans ces prunelles chargées au noir. Des braises de tristesse aussi. Une larme d’amertume. Le noir de la violence et des exploits indépendantistes est passé, mais ces regards portent encore le flambeau d’une inflexible insularité. Ces  hommes et ces femmes sont les fils et les filles d’un monde révolu qu’ils s’acharnent à faire perdurer. lIs vivent à cheval entre le passé et le  présent, chevaliers d’un monde coutumier qui les a vus naître, et qui, avant eux, a vu naître leurs aînés, leurs ancêtres, leur dieux familiers. Ils  s’accrochent à la tradition sans être assurés de pouvoir toujours la préserver. La brutalité de leurs traits corrobore la brutalité de la vie et de  l’histoire. Les vieux sont fracassés. Les jeunes sont revendicatifs. Les valeurs des uns ne coïncident plus forcément avec celles des autres. Ils  sont de Canala et d’outremer. Ils sont rebelles et vaincus. Héros et renégats. Solidaires et claniques. Enracinés et sans repères. Ils nous regardent  depuis les lointains. Nous les voyons pour la première fois.
Photographies DENIS ROUVRE

Du 06/11/2013 au 23/11/2013
GALERIE HELENE BAILLY
FESTIVAL PHOTO SAINT-GERMAIN-DES-PRE

38 rue de Seine
75006 PARIS
France

Horaires : Mar – Vend : 10h-13h / 14h-19h et Sam : 14h -19h sur rendez vous
Téléphone : +33 1 43 26 01 35
www.helenebailly.com ; www.photo-saintgermaindespres.com