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Comment recadre-t-on ce qui a déjà beaucoup été cadré ? En l’occurrence Haïti, ses désastres, ses couleurs vives et sa misère noire, ses cérémonies vaudoues ? La « Perle des Antilles », dont le surnom colonial est aujourd’hui obscène, est si photogénique. « Il est facile de prendre de bonnes images dans ce pays, note Thomas Kern. Moi, j’ai voulu comprendre pourquoi elles sont bonnes. »
Etrange formule. Elle cache une réflexion intéressante sur la photographie documentaire. Les images haïtiennes de Thomas Kern sont d’abord réactives. Le photographe suisse alémanique, 51 ans, se rend pour la première fois sur l’île en 1997, à la demande du magazine Du. Peu de temps après, il s’installe aux Etats-Unis. Il est vite gêné par la manière stéréotypée dont les médias américains rendent compte du chaos permanent à Haïti. Ces troubles politiques, ces pneus qui brûlent, ces catastrophes naturelles qui culminent dans le séisme épouvantable de 2010.
Depuis vingt ans, alors qu’il est de nouveau établi en Suisse, Thomas Kern se rend dans le pays caraïbe, tentant de le photographier différemment. Il a choisi un protocole immuable de prise de vue : un Rolleiflex chargé de pellicules noir et blanc. Le format carré a cette vertu, sur place, de contenir le désordre et l’irrépressible élan vital. Il va à l’essentiel. La profondeur de champ est courte, les mouvements incertains, les corps et leurs ombres sont parfois coupés nets.
Thomas Kern se revendique étranger en terre peu connue, un observateur qui ne pourra jamais saisir en profondeur la complexité haïtienne. Il évite les clichés : la trop grande violence, le pathos de la pauvreté, les quelques riches qui se claquemurent dans les collines et les yeux révulsés lors des rituels.
A la Fondation suisse pour la photographie, où est exposé le journal de voyage de Thomas Kern, chaque image tient par elle-même. Pas de chronologie, ni de séries thématiques. Ces fragments de quotidien montrent les travaux agricoles, l’éducation, les enfants et les anciens, les ONG, l’après-tremblement de terre, les insurrections, les carnavals, la religion. Thomas Kern a mis dix ans à oser enfin se rendre à Saut-d’Eau, le haut lieu du vaudou, de peur de répéter ce qui a déjà été documenté avant lui. S’il photographie un pacificateur népalais en poste devant la chute d’eau, c’est que la présence est lourde de sens. Les soldats népalais des Nations Unies ont amené le choléra sur l’île, une épidémie qui n’a pas encore été jugulée. Amener une autre paix, amener une autre calamité. L’histoire de Haïti, hélas.
Voilà comment on photographie ce qui a déjà été beaucoup photographié. En n’oubliant pas que ce médium est d’abord une affaire de point de vue. Luc Debraine
Etrange formule. Elle cache une réflexion intéressante sur la photographie documentaire. Les images haïtiennes de Thomas Kern sont d’abord réactives. Le photographe suisse alémanique, 51 ans, se rend pour la première fois sur l’île en 1997, à la demande du magazine Du. Peu de temps après, il s’installe aux Etats-Unis. Il est vite gêné par la manière stéréotypée dont les médias américains rendent compte du chaos permanent à Haïti. Ces troubles politiques, ces pneus qui brûlent, ces catastrophes naturelles qui culminent dans le séisme épouvantable de 2010.
Depuis vingt ans, alors qu’il est de nouveau établi en Suisse, Thomas Kern se rend dans le pays caraïbe, tentant de le photographier différemment. Il a choisi un protocole immuable de prise de vue : un Rolleiflex chargé de pellicules noir et blanc. Le format carré a cette vertu, sur place, de contenir le désordre et l’irrépressible élan vital. Il va à l’essentiel. La profondeur de champ est courte, les mouvements incertains, les corps et leurs ombres sont parfois coupés nets.
Thomas Kern se revendique étranger en terre peu connue, un observateur qui ne pourra jamais saisir en profondeur la complexité haïtienne. Il évite les clichés : la trop grande violence, le pathos de la pauvreté, les quelques riches qui se claquemurent dans les collines et les yeux révulsés lors des rituels.
A la Fondation suisse pour la photographie, où est exposé le journal de voyage de Thomas Kern, chaque image tient par elle-même. Pas de chronologie, ni de séries thématiques. Ces fragments de quotidien montrent les travaux agricoles, l’éducation, les enfants et les anciens, les ONG, l’après-tremblement de terre, les insurrections, les carnavals, la religion. Thomas Kern a mis dix ans à oser enfin se rendre à Saut-d’Eau, le haut lieu du vaudou, de peur de répéter ce qui a déjà été documenté avant lui. S’il photographie un pacificateur népalais en poste devant la chute d’eau, c’est que la présence est lourde de sens. Les soldats népalais des Nations Unies ont amené le choléra sur l’île, une épidémie qui n’a pas encore été jugulée. Amener une autre paix, amener une autre calamité. L’histoire de Haïti, hélas.
Voilà comment on photographie ce qui a déjà été beaucoup photographié. En n’oubliant pas que ce médium est d’abord une affaire de point de vue. Luc Debraine
Photographies Thomas KERN
Du 17/09/2016 au 29/01/2017
FOTOSTIFTUNG SCHWEIZ
Grüzenstrasse 45
CH-8400 Winterthur (Zürich)
Suisse
Horaires : Du mardi au dimanche 11h-18h / Mercredi 11h-18h
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