Photographies Anonymes
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L’anonymat en photographie scelle le statut d’une pratique passée à l’usage courant, si bien banalisée que l’autorat est l’exemption à la règle. En réalité, même issue d’un dispositif automatique, toute image requiert un opérateur mais, loin de revendiquer le titre d’auteur, celui-ci s’abîme dans l’innombrable foule des praticiens sans nom, indignes d’émerger à la connaissance publique, tout simplement étrangers à l’idée de se distinguer par cette production machinale, impersonnelle, sans marque distinctive, essentiellement liée au loisir. Or la photo d’anonymes couvre un champ infini, duquel l’œuvre, voire le chef-d’œuvre ne sont pas absents, obscures photos perdues dans l’insignifiance du nombre, en attente d’un regard qui les découvre.
C’est que, une fois l’invention “donnée au monde” par Arago, l’appareil photo, très vite au regard d’autres innovations techniques de l’ère industrielle, étend son empire à toute une société, équipe l’amateur curieux, avide de s’exercer. D’abord encombrant, rétif, onéreux − pour ce, privilège d’une minorité − une fois simplifié, maniable, une fois allégés son poids et son coût, le boîtier devient un objet usuel autorisant tout un et n’importe qui à devenir un faiseur d’images autonome. Phénomène sans précédent dans l’histoire des représentations, il permet, par simple pulsion digitale, d’accéder au champ infini de l’exploration optique, sans que soit requis un savoir ou un savoir-faire préalables. En résulte le prodigieux succès populaire de la photo ; qui va de pair avec sa déconsidération comme pratique de masse. A la noblesse artistique et professionnelle, ratifiée par l’institution et par le marché, à sa rareté, à son prix, s’oppose la pléthore des photos ordinaires réputées satisfaire la consommation immédiate de ses usagers, peu regardants quant au résultat.
Pourtant, la “pratique d’amateur” englobe une réalité composite, d’une extraordinaire diversité, allant de l’opérateur familial au semi professionnel, du praticien par accident au fervent adhérent du photo-club, au reporter d’occasion, au savant curieux d’archiver son étude, au soldat des tranchées, au badaud rêveur, au peintre soucieux de fixer une intuition visuelle… Elle comprend la foule des particuliers, sédentaires ou voyageurs, multipliée par la société du loisir, le modeste artisan de quartier ou de plage, l’opérateur ambulant des campagnes, le photographe des écoles ou aux armées négligeant d’apposer sa raison sociale ; le fabricant de cartes postales – support épistolaire de toute une société, genre innombrable et prospère, qui a industrialisé le pittoresque bon marché, et instruit l’archive du paysage rural et urbain… Travaux de commande ou initiatives isolées, épreuves égarées par d’illustres artistes, ou distraites à leurs propriétaires, et que dire du photomaton, photo sans photographe par excellence… Ces images, devenues orphelines de leur auteur ou de leur commanditaire, sont dispersées de par le monde, stockées dans des magasins d’archives, des dépôts d’agences, d’entreprises ou d’administrations, des bibliothèques, réunies en albums ou versées au vrac des tiroirs, livrées aux marchands de vieux papiers, quand elles ne tombent pas au rebut des trottoirs… Déferlante inouïe, gigantesque corpus qui, condamné à son anonymat radical, échappe à tout inventaire, résiste à la connaissance, aux catégories et au classement. Anne-Marie GaratUn Photo poche publié aux éditions Actes Sud accompagne cette exposition.
Du 07/11/2012 au 29/12/2012
FAIT et CAUSE
58 rue Quincampoix
75004 Paris
France
Horaires : Du mardi au samedi, de 13h30 à 18h30
Téléphone : 33 (0)1 42 74 26 36
contact@sophot.com
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