ALLANNGORPOQ


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En début d’année 2013, j’ai entrepris un séjour au Groenland, en immersion chez les habitants. Un voyage du 67e au 77 e parallèle nord jusqu’à Qaanaaq, avec l’objectif de témoigner de ces mutations.
Aussi loin que je me souvienne, j‘ai toujours été fasciné par les peuples ayant élu domicile dans des environnements hostiles, et en particulier ceux de l’extrême Nord. J’ai des souvenirs d’enfance bercés d’histoires d’hommes et de femmes Inuits vivant sur la glace et chassant le phoque avec des techniques ancestrales. La réalité contemporaine est très différente et beaucoup plus complexe que ces idées reçues. Au cours d’un an et demi passé à me plonger dans l’histoire et l’actualité du pays, à m’immerger dans les charmes grammaticaux de sa langue inuit kalaallisut, il est apparu clairement que ma fascination croissante pour le Groenland ne se limitait pas seulement à l’anticipation de paysages à l’esthétique blanche et épurée. Mais que les questions socio-économiques qui secouent actuellement le pays trouvaient une résonance dans mes réflexions.
Aux premières loges, le Groenland subit les effets des changements climatiques. Il connaît ces dernières décennies de profondes transformations de société. Ainsi, la modification de l’environnement s’opère en parallèle d’une ouverture aux modes de vie et de consommation occidentaux, et les questions qui se posent aujourd’hui au Groenland dépassent ses frontières.
En souhaitant témoigner de ces sujets, je n’ai pas eu l’intention – ni la prétention – de faire de ce projet un travail documentaire. Avec le recul, il me semble pourtant que mon approche de l’image et du cadrage s’en trouve inévitablement influencée. Malgré toutes les préparations, je me suis senti étranger devant la nouveauté de l’environnement, et cela semble s’être traduit dans mes images par des cadrages plus larges. Comme si je prenais du recul de quelques pas dans la neige pour pouvoir capturer plus de contexte dans mon cadre. Parfois au contraire, j’ai eu l’impression que rester au loin aurait été comme passer à côté de l’essentiel, aurait privé le lecteur d’indices. Bien que je sois plus habitué aux prises de vues patiemment construites sur la pellicule, de nombreuses photos ont ici été exposées et mises au point de façon improvisée – la buée d’une simple respiration gèle instantanément sur le verre de visée. C’est le résultat de ce travail à la fois longuement préparé et pourtant instinctif que je présente ici.
J’ai eu la chance de rencontrer des gens incroyablement passionnants et accueillants, de partager des moments de leurs vies ; de la vie urbaine “à l’occidentale” en pleine expansion, jusqu’aux nuits en tente sur la banquise pour chasser le phoque.
Dans des paysages d’une grande disparité, traditions et technologies s’entremêlent. Les supermarchés et les téléphones portables s’invitent dans la culture inuit, et les tenues traditionnelles en peaux ne sont plus utilisées qu’au nord pour les voyages en traîneaux.
Ces changements radicaux et rapides soulèvent des questions de société et d’identité, et divisent, comme aux dernières élections, l’opinion du pays: entre volonté de suivre ce qui apparaît comme le train de l’Histoire et sentiment d’être le peuple de la glace qui, comme elle, fond.
“Allanngorpoq” en Groenlandais peut être traduit par “se transformer”. Sébastien Tixier              
Photographies SEBASTIEN TIXIER

Du 17/01/2015 au 27/02/2015
CREDIT MUTUEL ARKEA
1 rue Louis Lichou
29480 LE RELECQ KERHUON
France

Horaires : Du lundi au vendredi de 9h à 18h
Téléphone : 02 98 00 22 22
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