VAGUE À L'ÂME

Maria Elena FUSCO

Maria Elena Fusco


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Novembre 2014, Ostende, 10h30, un lundi matin. Les enfants en vareuse crient et courent pendant la recréation. Les plus petits jouent au chat perché, les plus grands se disputent un ballon, les plus nonchalants restent scotchés à leurs téléphones portables. Ces élèves, semblables à ceux des écoles voisines, sont les pensionnaires de l’Ibis, un internat dédié aux enfants issus des milieux défavorisés.

C’est un espace hors du temps. Le vieux bâtiment, sur le port d’Ostende, est entouré d’immeubles gris et de petites maisons où logent les pensionnaires. Les locaux sont à l’image de la côte flamande ; carrés, propres, fonctionnels.

L’institution, l’Oeuvre Royale Ibis, est centenaire et classée lieu historique. Au début du vingtième siècle, le Prince Albert et la Princesse Elisabeth ont fondé cette école pour accueillir les nombreux orphelins de marins pécheurs et les aider à s’intégrer dans la société belge.

Un toit, une éducation et une formation aux métiers de la mer, c’est le triptyque de l’Ibis qui perdure encore aujourd’hui. Seul le profil des élèves a évolué. L’accès n’est plus réservé aux orphelins.
L’internat accueille une centaine de garçons, entre 6 et 16 ans, extirpée d’un environnement familial difficile. « Ce sont eux les orphelins du XXIème siècle », confie le directeur Philipp Declerck.

Certains y font toute leur scolarité, d’autres n’y séjournent qu’un temps. Les enfants grandissent loin des parents, dans une structure très disciplinée, quasi militaire : uniformes, déplacement en file indienne, couvre-feu, salut au drapeau… Mais les récréations, les sorties en mer et l’implication des éducateurs et professeurs, leur permettent de trouver une forme de réconfort.

Car, malgré cela, la solitude et l’abandon marquent les traits. Les visages sont enfantins mais les regards n’ont pas d’âge. Au détour d’une conversation, ils racontent, l’absence de relation avec le père ou la mère, la dizaine de frères et soeurs, les soirées à espérer que les parents n’oublient pas de venir les chercher ou encore, le choix de rester pensionnaire, même après les 16 ans, car le soir ils pourront dîner.

Pendant près de deux ans, j’ai suivi ces élèves, je les ai regardés, écoutés et photographiés. À travers ce reportage, je cherche à raconter ce lien tenu entre les enfants et l’internat, qui s’apparente à une bouée de sauvetage, pour atténuer le sentiment de délaissement inhérent à la situation.

Maria Elena Fusco

 


 

Pays : Belgique

Nombre de photos : 50