UNE FERME PAS COMME LES AUTRES

Christophe GILLOT


This post is also available in: Anglais

Chaque année, la Belgique perd environ mille cinq cents fermes et la tendance actuelle va vers des exploitations spécialisées aux pratiques intensives. Dans ce contexte, il devient très difficile de survivre pour une petite exploitation. Ce constat m’a poussé à m’intéresser au mode de fonctionnement de l’agriculture en Belgique et, de fil en aiguille, à me demander si d’autres modèles étaient viables. C’est ainsi que j’ai rencontré Christophe, Johanne, Sylvain et Simon, que j’ai côtoyés pendant plusieurs mois. En phase avec les préoccupations écologiques et socio-économiques aujourd’hui, Une Ferme pas comme les autres raconte en photographies la vie de la Ferme de La Baillerie, un élevage de chèvres où l’on fabrique et vend le fromage de manière autonome, durable et écologique. L’agriculture demeure la base irremplaçable de l’alimentation mais il semble aujourd’hui qu’elle doive amorcer un changement en tenant compte des impératifs sociaux, économiques et écologiques. Les enjeux sont multiples : nourrir six milliards d’êtres humains, réduire les inégalités, supprimer la faim, préserver l’environnement, être solidaire, donner accès à la terre, devenir autonome, valoriser les agriculteurs,… Ce livre décrit le fonctionnement de cette jeune coopérative à échelle humaine et met en lumière les protagonistes de cette histoire, qui tels d’irréductibles Gaulois, refusent de se soumettre aux diktats de l’industrie agro-alimentaire.


Introduction
La ferme de La Baillerie fut construite au 15e siècle sur un promontoire aux abords d’un large plateau, le plateau du Try-au-Chêne, à Bousval, dans le Brabant Wallon.
Elle a ensuite traversé les siècles et connu de multiples bouleversements jusqu’à ce que Christophe et Johanne, après 2 ans de recherche, la découvrent et décident de s’y installer pour réaliser leur projet de chèvrerie et de transformation fromagère.
Plusieurs problèmes et défis se posent alors à eux, tels que l’achat de la ferme et des terres cultivables, l’autonomie et la rentabilité.
Commence alors une profonde rénovation des logis axée sur la passivité énergétique et la mixité entre les habitations familiales et l’exploitation agricole.

Les Protagonistes
La Ferme de la Baillerie ne serait pas ce qu’elle est sans les hommes et les femmes qui s’investissent corps et âme dans son fonctionnement et son développement.
Les protagonistes principaux de cette histoire sont Johanne, Christophe, Sylvain et Simon.
Véritables passionnés, ils travaillent tous les quatre pour mener à bien un projet en parfaite harmonie avec leurs idées.
Christophe et Johanne créent en 2007 une coopérative agricole de production que rejoignent Simon et Sylvain en 2012.
La coopérative est garante du respect des critères définis pour le projet, tels que l’autonomie, la durabilité, la solidarité et l’écologie.
Ils forment une équipe, tout en osmose, dont chacun des membres peut assurer la totalité des tâches.

Le mode de fonctionnement de la ferme
La chèvrerie compte cent vingt chèvres à la traite, cinquante chevrettes et quatre boucs.
Les chèvres sont de race Saanen, initialement originaire de la vallée de la Saane, en Suisse. On peut considérer cette race comme une des races caprines laitières les plus performantes et les plus répandues dans le monde.
Tous les fromages de la Baillerie sont fabriqués à base de lait cru sans aucun ajout de conservateurs. Savoir-faire partagé par l’ensemble des coopérants, la fabrication du fromage est un art délicat qui demande doigté et expérience. Fabriquer du fromage met l’artisan en contact direct avec le « vivant ». Maître d’oeuvre dans la réalisation et l’ajustement des recettes, Johanne sent la matière en transformation et chérit la symbiose qui s’établit entre tous les acteurs de cette opération.
Cinq fois par semaine, la Baillerie vend ses fromages sur les marchés ouverts, première source de ses revenus. Le fonctionnement de la ferme ne serait possible sans la vente en circuit court. Celle-ci limite le nombre d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur. Il permet donc à la ferme de garder le contrôle sur ses prix et d’investir sa plus-value dans une agriculture durable.
La fertilisation du sol est également au centre des préoccupations. Les terres doivent donner un rendement élevé et leur fertilisation doit être optimale.
À la Baillerie, la valorisation du fumier est l’élément principal de la fertilisation. Mélange de paille et de déjections animales, il est riche en matières organiques dont la plante se nourrit pour assurer sa croissance.
La ferme est parvenue à l’autosuffisance dans la production de fourrage en valorisant au maximum ses terres. Clef indispensable de la durabilité et de l’autonomie, l’alimentation « auto-produite » marque aussi la solidarité de la ferme avec les Pays du Sud dont les terres et les paysans sont trop souvent exploités pour produire les compléments alimentaires dont ont besoin les animaux d’élevage des pays industrialisés.
Les terres sont rares et ne sont utilisées que pour y cultiver le fourrage, le maïs et les betteraves. La Baillerie utilise le principe de la prairie temporaire sur laquelle sont semées des graminées (Ray-Grass anglais) et des légumineuses (trèfles violets, trèfles hybrides) pluriannuelles associées.
Les terres sont divisées en parcelles semées tous les trois ans sur lesquelles des rotations de fauche sont pratiquées, garantissant de cette manière les rations alimentaires quotidiennes du troupeau ainsi que la production d’herbes préfanées pour la saison hivernale.
L’avantage de la prairie temporaire réside aussi dans la non utilisation d’herbicides et même si les mauvaises herbes comme le rumex, les chardons ou les bourses à pasteur s’aventurent dans la prairie, elles ne sont pas exterminées. Leur développement est limité par la fauche régulière et le choix de planter des plantes précoces (trèfles d’Alexandrie), qui occupent rapidement le terrain, permet d’éviter leur propagation.

Alternatives
La « révolution verte » a réussi à nourrir de façon abondante les régions industrielles occidentales mais elle a engendré des inégalités sociales et des effets néfastes sur la nature et la santé des hommes.
Aujourd’hui, plutôt qu’un changement, certains veulent une révolution agro-écologique. Basée sur le principe du développement durable, cette révolution recouvre des dimensions économiques, environnementales et socio-culturelles.

Christophe GILLOT
Belgique 2013 / 2014


Soutien : KissKissBankBank
Pays : Belgique
Lieu : Bousval

Nombre de photos : 200