LA ROUTE DES CHARBONNIERS

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Delphine WARIN


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On l’appelle « la route des charbonniers »…

Direction Assads, à 14 km au sud de Taroudant (Maroc)
La 1ère fois que j’ai pris cette route qui traverse un paysage désolé, j’ai été éblouie par cette immense plaine d’où émanaient des fumées, à perte de vue…
Paysage irréel et inquiétant.

Quand je me suis arrêtée, Habib, celui qui allait devenir le personnage principal de mon histoire, est venu à ma rencontre pour me raconter, fièrement, son métier.

C’est son apparence qui m’a d’abord frappée :
Son visage, ses mains et ses bras, noirs de suie et de poussière, son absence de dents, son œil aveugle, ses vêtements en haillons, ses chaussettes dépareillées, ses sandales trouées, fumant cigarettes sur cigarettes, et sa toux, profonde et régulière.

C’était un voyage dans le temps, et j’ai spontanément pensé à cette photo des 3 mineurs gallois d’Eugène Smith dans les années 50…

Cela a été le déclic, et j’ai décidé de témoigner de la condition de vie de ces hommes.

Cette vie rude, précaire, dangereuse, cette vie marginale.
Ce métier qui n’existe plus que dans cette région retirée du Maroc et qui bientôt disparaîtra…

La région de Taroudant est riche en agrumes, citronniers et orangers, bois le plus adapté pour le charbon. Des camions déposent d’énormes troncs que les charbonniers devront ensuite couper et recouper.
La construction de la meule (butte recouverte de terre dans laquelle brûle le bois) se fait en plusieurs étages :
De gros troncs au sol, puis des bois moyens, de plus petits que l’on recouvre de feuilles de bananiers, et enfin de terre. On y allume un petit brasier à l’intérieur, et il faudra deux à trois semaines pour que le bois se transforme en charbon sans se consumer totalement.
C’est pourquoi les charbonniers doivent habiter sur place, étant chacun responsable de plusieurs meules, ils doivent les surveiller jour et nuit.

Ces hommes vivent de façon misérable, dans des tentes de fortunes faites de plastique et de tôle. Loin de leur famille parfois pendant 6 mois, étant exposés à la combustion du charbon, ils ont souvent de graves problèmes de santé. Leur quotidien, c’est la terre, la poussière, le manque d’hygiène, l’isolement, la misère. Certains font ce métier de père en fils, notamment les plus âgés, d’autres, laissés pour compte, acceptent de travailler pour un salaire dérisoire.

Un sac de 10kg de charbon est vendu 6 dirhams (0,60 cents euros).

Pays : Maroc

Nombre de photos : 30