UNSETTLED


A la suite d’un arrêté d’insalubrité qui a frappé le quartier du Polygone, où s’étaient installées 170 familles tsiganes dans les années 1970, la Ville de Strasbourg a opté pour un projet de construction de 150 nouveaux pavillons qui a débuté en 2005. Même si elles ont eu la chance d’être relogées, ces familles aux traditions nomades, ont vécu un tel bouleversement comme une condamnation à ne plus vivre au grand air et un assujettissement à une normalisation administrative. Parmi eux, beaucoup auraient préféré à un plan de relogement, un assainissement du quartier avec la préservation d’un cadre de vie naturel. Revenir sur le terrain en 2018, avant la destruction complète du site, pour y retrouver toutes ces familles manouches parmi les premières à avoir foulé le sol du Polygone, a permis à la photographe de partager avec eux des émotions intenses. Il lui a paru important d’exprimer leur sensation d’oppression qui accompagnait cette période pendant les six mois précédant la destruction de leur habitat. La photographe a choisi de montrer dans son reportage les fragments de vie de l’ancien monde où régnait « l’âme tsigane » afin qu’ils s’inscrivent dans la mémoire collective : la vie au grand air, les enfants joyeusement affairés sur le terrain vague, les anciens qui ont toujours leur place parmi leur lignée… La destruction de leur habitat pourrait-elle faire plier leur volonté farouche d’affirmer leur différence et de reproduire le même mode de vie ? Pourquoi cette force d’âme insufflée par l’instinct du voyage disparaîtrait avec un nouveau mode d’habitation ? Chacun peut comprendre la difficulté que cette population éprouve à se sédentariser et veiller à ne pas porter atteinte aux valeurs immuables qui forgent l’identité tsigane : le voyage, la simplicité, l’esprit de famille, un mode de vie soucieux de l’environnement, et peut-être même s’en inspirer.

Nom du média : THE SUN Magazine
Date de parution : 04/05/2020

Reproduction de la parution :