DES HOMMES VIVENT ICI


MARION OSMONT



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Textes et photographies de Marion Osmont
Postface Amnesty International et Médecins du Monde Dix ans après la très médiatique  fermeture du camp de  Sangatte, les problèmes que cette mesure entendait résoudre restent entiers.  Calais et ses environs continuent de voir chaque année converger des hommes, femmes et parfois enfants, migrants ou réfugiés qui tous sont en quête d’un lieu plus sur pour continuer à vivre.Le travail de Marion Osmont nous plonge dans le quotidien de ceux qui se trouvent bloqués dans des abris de fortune dans une déshumanisation alarmante. Dix ans après la fermeture de Sangatte, des centaines d’hommes et de femmes, qui ont fui conflits et persécutions dans leurs pays d’origine, vivent à Calais dans une extrême précarité sanitaire et administrative, que les politiques migratoires actuelles rendent invisible.
À contre-courant du traitement médiatique de cette situation, Marion Osmont dessine les portraits sensibles d’Ammanuel et de Haroon, réfugiés d’Éthiopie et du Soudan. Après un travail de terrain de deux ans dans les squats de Calais, elle restitue leur quotidien et leurs espoirs. Elle replace leur parcours dans une analyse plus large sur les migrations, analyse étayée par les points de vue d’acteurs associatifs et d’élus : Sylvie Copyans (Salam), Claire Rodier (Gisti), Mathieu Quinette (Médecins du Monde), et Marc Boulnois (maire de Norrent-Fontes). Elle nous invite à une réflexion sur les politiques migratoires et le droit d’asile en Europe.

Haroon a quitté la Libye sur un petit bateau avec à bord vingt-six autres personnes, dont un bébé de huit mois, Yaya . « L’enfant ne pleurait pas : quatre jours de traversée, il n’a pas pleuré, jamais. Deux hommes âgés pleuraient sans cesse, nous allons mourir, ils disaient, et ils pleuraient, mais lui ne pleurait pas. Nous sommes arrivés en Sicile, on nous a dit : quelle honte d’avoir pris de tels risques avec un enfant ! En Italie, les gens te regardent comme si tu n’étais pas un homme, tu vois le mépris sur leurs visages. Je ne pouvais pas rester. Je suis arrivé à Calais en octobre 2009. J’ai vu comment vivaient les étrangers, ils vivaient dans la rue. J’ai décidé de partir, d’aller en Angleterre. Pendant deux mois et dix jours, toutes les nuits, j’ai essayé, je voulais passer. Ceux qui n’essaient pas tous les soirs s’habituent à vivre là et n’essaient plus. Je suis passé en Angleterre le 14 décembre 2009. Le 10 mai 2010, j’ai été expulsé en France. À l’aéroport Charles de Gaulle, ils m’ont dit tu es libre. Je suis libre ? Je n’ai nulle part où aller ! Je suis retourné à Calais. » "DES HOMMES VIVENT ICI"
(PEOPLE LIVE HERE)

Words and photos by Marion Osmont
Postface Amnesty International
and Médecins du MondeTen years after the highly publicised closure of the Sangatte refugee camp, the problems which this measure sought to eliminate remain unresolved.  Every year, men, women, and sometimes children converge on Calais and the surrounding area, migrants or refugees all looking for a safer place to live.  Marion Osmont’s work dives into the daily life of those who find themselves in makeshift shelters, locked in an alarmingly inhuman existence.
Ten years after the closure of Sangatte, hundreds of men and women live in Calais, having fled conflict and persecution in their home countries.  Their administrative situation, like their health, is precarious, and current immigration policies do not even take their existence into account.
Going against the trend for heavy media coverage of this situation, Marion Osmont draws a sensitive portrait of Ammanuel and Haroon, refugees from Ethiopia and Sudan.  After two years’ work on the ground in the squats of Calais, she reports on their daily routine and their aspirations.
She places their journey in the context of a wider analysis of migration in general, an analysis enriched by contributions from members of associations or elected representatives : Sylvie Copyans (Salam), Claire Rodier (Gisti), Mathieu Quinette (Médecins du Monde), and Marc Boulnois (mayor of Norrent-Fontes).  She invites us to reflect upon policies concerning migration and the right of asylum in Europe.

Haroon left Libya on a small boat with 26 people on board, including Yaya, an eight-month-old baby.  “The child never cried : during the four days of the crossing, he didn’t cry, not once.  Two old men cried all the time, we’re going to die, they said, and they cried, but the baby didn’t cry.  When we arrived in Sicily we were told : “how dare you take such risks with a child!”  In Italy, people look at you as if you weren’t human, you see the disdain in their eyes.  I couldn’t stay there.  I reached Calais in October 2009.  I saw how the foreigners lived, that they were homeless.  I decided to leave, to go on to England.  For two full months and ten days, I tried, I wanted to get across.  Those who don’t try every evening get used to living there and don’t try any more.  I got to England on December 14, 2009.  On May 10, 2010, I was deported to France.  At Charles de Gaulle airport, they told me « you’re free ».  I’m free?  I’ve nowhere to go to!  So I went back to Calais ».



Editeur : Images Plurielles Éditions
Année de parution : 2012