VOYAGEURS IMMOBILES

Irish travellers


This post is also available in: Anglais

Irlande 2015 / 2017

« Voyageurs Immobiles » raconte le quotidien doux-amer de trois générations de nomades devenus sédentaires au cours de la deuxième moitié du XX siècle.

Minorité ethnique de tradition nomade depuis le moyen-âge, cette communauté se composait de paysans ambulants qui se déplaçaient en roulotte avec leurs chevaux en terre irlandaise. De nos jours, ils seraient 25 000 à vivre dans le Sud et 1500 dans le Nord de l’Irlande.

Les Travellers possèdent leur propre langage, valeurs et codes, en-dehors des us et coutumes de la société irlandaise. Marginalisés et exclus, ils vivent pour la majorité en caravanes, dans des camps en périphérie des villes et en marge de la société. Bien que le gouvernement ait mis à leur disposition des aires d’accueil où les caravanes peuvent s’installer, certains campements n’ont pas l’eau courante. Ellen et Paddy que j’ai rencontrés pour le reportage vivent dans un logement social à l’intérieur d’un camp à Cashel. Comme une grande majorité de cette population, ils sont au chômage et vivent des aides sociales. Les familles se sédentarisent dans un mode de vie précaire.

Le 1er mars 2017, l’état irlandais officialise leur statut de minorité ethnique, un premier pas important pour les Travellers en quête d’égalité au sein de la société.

Les membres de la communauté dans laquelle vivent Ellen et Paddy ont instauré leurs propres règles, inventé une répartition des rôles spécifique en fonction des sexes. Les enfants, désormais tous scolarisés, tiennent des places précises selon leur ordre dans la fratrie. Paddy fils, l’aîné, s’occupe des chiens pour la chasse aux lapins, ou des chevaux qui paissent tranquillement dans leur jardin. Paddy père entretient une relation particulière avec son cheval, une complicité ancestrale. Les Travellers ont toujours détenu des chevaux pour participer au travail agricole, ou simplement pour tirer leurs roulottes. En tant qu’ancien boxeur, Paddy collectionne les médailles et les trophées. La boxe est le sport favori de cette communauté depuis des générations et la plupart des hommes la pratique. Melissa aide sa mère, Ellen, à s’occuper de ses huit enfants. Le nombre élevé d’enfants dans une fratrie est commun chez les Travellers.

Mon souhait est de montrer des modes de vies singuliers et plus simplement l’Autre dans ce qu’il est. C’est ce que mes photographies veulent exprimer.
C’est pendant l’hiver 2015, au cours de mon premier voyage en Irlande, que j’entends parler des Travellers. De nature sensible aux conditions des minorités ethniques et des personnes exclues, le mépris exprimé par une partie de la population irlandaise à leur égard m’encourage à les rencontrer. C’est ainsi que j’ai fait la rencontre d’Ellen et Paddy. En 2016 et 2017, je retourne à plusieurs reprises en Irlande dans le but de rencontrer d’autres familles – on m’offre souvent un thé dans une caravane – mais seul ce couple et surtout leur huit enfants m’ont permit un réel contact avec cette communauté. Aujourd’hui, nous sommes toujours en contact. J’attends que les enfants grandissent pour pouvoir approcher le monde de l’adolescence dans cette communauté.

J’ai abordé ce sujet avec un hybride de chez Fujifilm qui me permet d’être discrète et saisir de réelles scènes de vie. L’usage du grand angle me permet de ne pas dissocier le sujet de son environnement qui participe à définir l’identité des individus. Les recherches consacrées aux Travellers sont rares et les Travellers eux-même n’ont qu’une idée vague de leur origine. En ce sens, le noir et blanc reflète bien le flou qui règne autour de leur histoire.

Sarah Desteuque

Photographies DESTEUQUE Sarah