UN HÔTEL
DE TRANSEXUELLES À PARIS


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À quelques pas de Pigalle, quartier historique de la prostitution, un hôtel meublé héberge une soixantaine de transsexuelles d’origine latino-américaine. Une sorte de havre de paix pour ces « maricones » ou « homos » comme elles s’appellent entre-elles.  Mais aussi un ghetto dans lequel la société les « oblige » à vivre, car pour elles, se loger à Paris est un luxe. Pour pouvoir bénéficier d’un logement décent, il faut des garants, un emploi, des fiches de paie, trois mois de caution, trois mois de loyer anticipés et bien sûr un bailleur qui ne se soucie pas trop de l’identité sexuelle de ses locataires. Faute de tous ces éléments, les transsexuelles qui travaillent au Bois de Boulogne comme prostituées sont reléguées dans des hôtels miteux.

Dans cet hôtel, les visites sont interdites afin d’éviter que les filles ne se prostituent dans leur chambre. Cuisiner dans les chambres est également prohibé, cependant le gérant ferme un œil sur celles qui dérogent.
Seule condition pour rester : payer les 35€ par chambre et par jour et ne pas se plaindre d’une hygiène des plus précaires. Il n’y a que trois toilettes et une seule douche pour 38 chambres.

À cause de la discrimination, il leur est très difficile de trouver un travail autre que la prostitution, même pour celles qui ont leur titre de séjour en règle.

Quasiment toutes sont séropositives, elles se retrouvent maintenant ici car elles ont fui la crise économique de leur pays d’origine, l’impossibilité de s’y soigner par trithérapie, ainsi que l’intolérance et la « transphobie » qui y règnent. Légendes:Photo 01 –   
Giovanna est équatorienne et habite depuis dix ans dans cet hôtel, les autres « filles » l’appellent Papa car il est le plus âgé.

Photo 02 –   
Giovanna aime la compagnie. Sa porte est toujours ouverte.

Photo 03 –  
La cérémonie du maquillage est très importante. Préparation pour travailler comme prostituée mais aussi moment dédié à soi-même, pour pouvoir retrouver dans le miroir l’image de son identité féminine.

Photo 04 –   
Le français des filles est très rudimentaire, dans l’hôtel la langue parlée est l’espagnol. La télévision n’est pas utilisée pour regarder des émissions françaises mais essentiellement des vidéos musicales sud-américaines.   

Photo 05 –   
Giovanna prépare des plats chauds pour les autres filles en échange de quelques euros : des petites économies pour les moments difficiles.

Photo 06 –   
Dans les petites chambres de l’hôtel, on se réunit parfois pour fêter un anniversaire ou le départ d’une des filles pour son pays. Elles viennent toutes d’Amérique Latine.

Photo 07 –   
La nostalgie l’emporte parfois sur la joie et la musique festive.

Photo 08 –    
La vie à l’hôtel rime aussi avec solitude, et le sommeil est un bon remède pour oublier sa propre condition.

Photo 09 –    
Les filles peuvent être agressives entre elles. Certaines fois, elles se moquent de Chefo à cause des ses origines d’« indigènes », synonymes de pauvre et de péquenot.

Photo 10 –    
Chefo, devenu transsexuelle sur le tard, prend aujourd’hui des hormones, mais ne s’est pas encore décidé pour des prothèses siliconées.

Photo 11 –    
La religion est très importante pour beaucoup des filles de l’hôtel. Dans presque chaque chambre, on trouve des hôtels, des bibles ou des petits Jésus.

Photo 12 –    
Chefo est le plus masculin du groupe. Marié pendant 28 ans, il est père de trois enfants et grand-père de quatre petits-enfants.

Photo 13 –   
Même si les filles passent beaucoup de temps ensemble, elles s’entraident rarement financièrement. Leur communauté est unie pour les fêtes mais elles restent malgré tout très individualistes.

Photo 14 –   
Chefo partage depuis cinq ans sa chambre de 10 m2 avec Lionella, trans équatorienne elle aussi.

Photo 15 –   
Andressa a débarqué du Brésil en passant par le Portugal, l’Espagne et l’Angleterre.
Sa chambre est dépouillée car dans sa vie tout est précaire et elle n’a ni le temps ni l’argent pour s’installer.

Photo 16 –   
Naima est brésilienne. Elle vit depuis deux ans à l’hôtel. Pour se rendre au Bois de Boulogne, elle cherche des clients qui puissent également l’amener en stop.

Photo 17 –   
Naima dit que pour faire ce métier « on ne doit pas s’attarder à l’aspect du client, mais à la couleur de son argent ». Ayant du mal à le supporter, elle me confie qu’elle a besoin de boire beaucoup pour se prostituer.

Photo 18 –   
En mai 2009, Naima à été agressée par une autre « trans » du Bois de Boulogne pour une question d’emplacement. Résultat : 53 points de suture au bras.

Photo 19 –   
Lorena se prépare « au travail ». Elle a hébergé dans sa chambre Paola venue d’Argentine. Celle-ci restera une seule semaine en France, car la vie menée par les autres lui semble bien plus triste et difficile que celle qu’elle vit à Buenos-Aires.

Photo 20 –   
Lorena se prostitue dans le Bois de Boulogne. Une zone y est dédiée aux trans latines. Les tarifs des prestations des trans sont généralement inférieurs à ceux d’une prostituée femme.

Photographies MAZZANTI Mara