LES MANGEURS DE CUIVRE


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Reportage de
Gwenn DUBOURTHOMIEU
Novembre 2009 / juin 2011Scandale géologique, pillage économique, désastre humain : les sols de la République démocratique du Congo, objet de toutes les convoitises, génèrent le chaos. Depuis la fin des années 1990, la libéralisation du secteur minier exacerbe les rapports de force qui gouverne l’exploitation des sols, portant les inégalités à leur comble. Secteur formel et informel : les acteurs de la ruée vers le cuivre n’ont ni les mêmes armes, ni les mêmes enjeux. Ils s’affrontent pourtant sur un même terrain : la province du Katanga. En 1967, en créant une entreprise publique, la Gécamines1 , qui détient le monopole de l’extraction minière dans la province, l’Etat  s’est longtemps garanti un fonds inépuisable de revenus. En 1989, juste avant son déclin, la Gécamines représentait 85% des revenus d’exportation de la RDC et 42% des revenues de l’Etat2 , faisant d’elle de loin la plus grande entreprise du pays et l’une des 5 plus grandes entreprises d’extraction de cuivre et de cobalt au monde. Mais la gestion prédatrice du Maréchal Mobutu a eu raison de la santé de la « vache à lait ». La ruine de la Gécamines et la
guerre en RDC à la fin des années 1990 inaugurent l’ère d’une vaste libéralisation du secteur minier. Les sites abandonnés de la Gécamines sont alors envahis par  une armé de mineurs improvisés. Tout le monde tente sa chance : anciens employés de la Gécamines, chômeurs désœuvrés, tous s’arment de pelles et de pioches et se mettent à creuser à la recherche des précieux minerais. Motivés par la survie, ils travaillent sans aucune mesure de protection ou de sécurité et s’exposent chaque jour à des accidents mortels. Aujourd’hui encore, la plupart des anciens sites de la Gécamines au sud Katanga sont exploités par ces « creuseurs » artisanaux. On en dénombre près de 300.000 dans la Province : parmi eux 20.000 enfants au moins3 . Ils travaillent parfois dés l’âge de trois ou quatre ans, et prennent les mêmes risques que les adultes. Beaucoup ont quitté l’école, laissé tomber leurs études ou abandonné l’agriculture pour devenir « creuseur ».
 1- Générale des Carrières et des Mines
 2- World Bank, Growth with Governance in the Mineral Sector, May 19, 2010
 3- UNICEF Briefing Note, june 2007Légendes:01- Un employé de la Gécamines à Kipushi : en 2003, sur ce site, seuls 300 employés sur un effectif initial de 2500 ont conservé leur emploi. Le salaire mensuel d’un mineur est d’environ 200 US$ et le paiement accuse un retard de 45 mois…

02- A Lubumbashi, capitale de la province du Katanga, une montagne de 14 millions de tonnes de scories et une cheminée de 112 mètres témoignent aujourd’hui du glorieux passé de la Gécamines.

03- Un garde industriel de la Gécamines. Jusque dans les années 1980, la Gécamines employait 33.000 travailleurs. Ils sont 12.000 aujourd’hui. 10.500 employés étaient partis lors du plan de « départs volontaires » mis en oeuvre par la Banque mondiale en 2003. Malgré la diminution des effectifs, les salaires sont faibles et très irrégulièrement payés.

04- Inaugurée en 1911, l’usine de Lubumbashi fut la première installation de l’Union Minière du Haut Katanga, l’entreprise coloniale belge qui est à l’origine de la Gécamines, rebaptisée par le gouvernement congolais après l’indépendance, en 1967. Fleuron de l’industrie minière Katangaise, l’usine produisait 600 tonnes de cuivre par jour à la fin des années 1980; contre 3 tonnes aujourd’hui.

05- Suite à l’abandon de la production au début des années 1990, l’Usine de Lubumbashi a été en grande partie pillée. Le partenariat mis en place en 1997 avec le groupe Georges Forrest et la société OMG n’a permis qu’une réhabilitation très partielle des installations.

06- La mine “Prince Léopold” de Kipushi représentait près de 10% de la production totale de la Gécamines. L’absence d’entretien et le non renouvellement des équipements mettront un coup d’arrêt à la production en 1993.

07- L’entrée d’un puits à 500 mètre de profondeur : près de 50 km de galeries parcourent le sous-sol de Kipushi. Jusque dans les années 1990, environ 1 million et demi de tonnes de roches étaient extraites chaque années de cette mine. Aujourd’hui, malgré l’arrêt quasi complet de la production, le site est “maintenu”, comme momifié, en attendant des jours meilleurs.

08- Dans des installations industrielles d’un autre âge, les ouvriers de l’Usine de Lubumbashi parviennent péniblement à produire 3 tonnes de cuivre par jour.

09- Dans des installations industrielles d’un autre âge, les ouvriers de l’Usine de Lubumbashi parviennent péniblement à produire 3 tonnes de cuivre par jour.

10- L’usine de Lubumbashi est aujourd’hui en grande partie abandonnée aux creuseurs artisanaux.

11- Cinq puits ont été successivement construits, dés 1930, pour exploiter les importants gisements de cuivre et de zinc de Kipushi. Le dernier fut construit entre 1970 et 1974. Depuis 1996, une armée de femmes et d’enfants transforment en gravier les roches stériles extraites des entrailles de la terre.

12- Des creuseurs escaladent le terril de Lubumbashi. Ces 14 millions de tonnes de scories ont une teneur en métaux (cobalt et germanium) relativement forte. La technologie permet de les traiter pour les raffiner et obtenir un minerai à 99 % de cobalt.

13- Les méthodes sont archaïques : simplement équipé d’une pioche, un homme creuse pour son propre compte les remblais de l’usine de Lubumbashi, espérant y trouver des résidus cuivreux.

14- Des enfants cherchent des résidus de cuivre sur le site de l’usine de Lubumbashi.

15- Hommes et enfants chargent des sacs de minerai avant d’aller les vendre. Le minerai récolté par les creuseurs artisanaux est acheté par les grands groupes industriels en bout de chaîne. Ils profitent ainsi d’une main d’œuvre peu coûteuse. Le revenu des creuseurs dépassent rarement 3 US$ par jour.

16- Après plus d’une décennie d’exploitation artisanale, les montagnes de roches stériles extraites de la mine “Prince Léopold” ont pratiquement disparu.

17- Monsieur Kapanda à travaillé pour la Gécamines à Kipushi jusqu’en 1993 comme électricien. Il est sans emploi depuis et n’a reçu aucune indemnité lors de son licenciement. Désormais, pour survivre, il se rend chaque jour avec sa femme et ses trois enfants, sur les remblais de la Gécamines pour y extraire des roches qu’ils transforment en gravier et y rechercher des résidus de cuivre.

18- Chaque mètre carré des anciens sites de la Gécamines est mis à contribution : les roches stériles sont transformées en gravier, celles à faible teneur en cuivre soigneusement triées, et les anciennes installations industrielles soigneusement pillées.

19- Les enfants sont mis à contributions dés leur plus jeune âge ; il n’est pas rare de voir travailler des enfants dés l’âge de 4 ans.

20- Alors que les hommes sont généralement employés à creuser les galeries, les femmes et les enfants s’occupent de concasser les rochers ou encore laver et trier le minerai.

Photographies DUBOURTHOUMIEU Gwenn