WORKD WAR II


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On connait peu de choses sur John Florea (1916-2000). Ses courtes notices biographiques font état de ce qu’on a coutume de nommer aujourd’hui un homme d’images : photographe de célébrités, envoyé de guerre, producteur et réalisateur de parmi les plus grandes émissions télé américaines des années 1960 et 1970. Ses autoportraits le montre joyeux et léger, jouant devant la caméra autant lors des quartiers libres des soldats qu’avec des naïades à demi nues.Pourtant, cette innocence John Florea la perd au contact de la guerre. Il n’y croit pas au premier chef lorsque, photographe pour Life à Hollywood depuis le début d’année, il décide de changer de registre et de photographier l’entrée en guerre des Etats-Unis après l’attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941. Florea ne se frotte pas de suite au conflit. L’année 1942, il prend des images des entrainements comme il filmerait un péplum hollywoodien, consacre une série entière à une jeune actrice divertissant des soldats pas encore partis au combat en les embrassant chacun leur tour. C’est la Californie. Il fait beau. L’insouciance est toujours là.En 1943, John Florea part sur le front du Pacifique. La guerre est dure à photographier. Il n’y a pas de véritables champs de bataille. Puis il y a Tarawa, le premier choc, cette ile entièrement détruite par les bombardements, noire de cendres, sans un arbre. Mais la guerre reste abstraite. Il n’y a pas de cadavre, pas de sang déversé. L’armée américaine est seule sur ce bout de terre désolée au milieu du Pacifique. L’adversaire n’a pas pris corps.Tout change au milieu de l’année 1944 lorsque John Florea est envoyé sur le front européen. Là, il n’y a plus de bateau, plus d’avion, aucune machine derrière lesquelles se cacher si ce ne sont des tanks retrouvés parfois renversés, abandonnés le long des routes. C’est un combat au corps à corps auquel se livrent les armées américaines et allemandes. Ce sont aussi les premiers morts qu’ils soient soldats ou civils. John Florea photographie encore peu les visages des suppliciés, si ce ne sont les prisonniers de  guerres américains exécutés le 17 décembre 1944 durant ce qui fut appelé par la suite le massacre de Malmedy. A l’image célèbre de ce cadavre d’infirmier américain dans la neige, répond six jours plus tard l’exécution de trois espions allemands capturés par l’armée. Tués juste après leur capture et leur procès sommaire, ils sont abattus dans leur déguisement de GI. Ils n’ont pas eu le temps de revêtir les habits de prisonniers.Mais la grande découverte de John Florea, ce sont ces civils dont la guerre impacte directement la vie, ceux qui n’ont pas pu se réfugier en arrière-front et se protéger de la réalité de la boucherie comme les Américains en ont la chance. En Europe, les populations sont ballotés, voient leur maison réduites en cendres par les bombardements, n’ont que quelques balluchons ou valises pour tous effets. John Florea voit la vie réduite à néant, cela même avant sa découverte des camps de concentration.Lorsque John Florea pénètre dans le camp de prisonniers de guerre de Stalag 12-A en Allemagne au printemps 1945, il découvre l’horreur des perpétrations nazies. Les nazis ne sont plus des simples ennemis de combat. Pour Florea, ils sont désormais le mal personnifié. Ses compatriotes, des soldats américains fait prisonniers, ressemblent à des cadavres. C’est la première véritable prise de conscience de Florea, avant qu’il ne découvre le camp de concentration de Nordhausen quelques jours plus tard. Là, il comprend que l’extermination est de masse et qu’elle concerne pour majorité des civils. L’armée ne protège plus de la barbarie. John Florea photographie alors un père et son fils enterrant leur femme et mère morte dans le camp, puis des civils allemands réquisitionnés par l’armée américaine pour mettre en terre les corps des victimes.Au contraire des photographes de guerre de métier, John Florea a lui l’histoire de tous les citoyens américains. Les premiers mois, les évènements ont encore une teneur d’amusement. Une certaine distance face à la réalité des combats peut être adoptée. Progressivement, John Florea prend conscience de ce qu’est la guerre et de son lot d’atrocités. Les photographies de la Seconde Guerre mondiale de John Florea, c’est le journal intime de guerre d’un homme pas fait pour le combat, parti la fleur au fusil et qui revient choqué, abattu par ce qu’il a vu. Cette histoire, c’est celle que vit chaque civil américain depuis sa maison alors que passent les mois.Si Life Magazine publie ses photographies de guerre dans 32 numéros entre 1942 et 1946, soit plus que celles de Robert Capa, c’est qu’elles imagent parfaitement l’expérience d’éveil de tout Américain à ce conflit. A cet égard, bien plus que Margaret Bourke-White, Robert Capa ou George Rodgers, d’ores et déjà aguerris aux conflits, John Florea peut être vu comme l’emblème de ses concitoyens. On comprend dès lors pourquoi l’historienne Barbie Zelizer décrit les images de John Florea comme iconiques pour les Américains. On comprend aussi son retour à travaux plus futiles et légers, c’est-à-dire son retour à la vie, une fois revenu du front.Anais Feyeux, Commissaire de l’exposition et directrice de la galerie Steven KasherJohn Florea : World War II est la première exposition personnelle de John Florea.
photographs by JOHN FLOREA

From 29/10/2015 to 19/12/2015
STEVEN KASHER GALLERY
515 W. 26th St.
NY 10001 NEW YORK
États-Unis

Opening hours : du mardi au samedi de 10h à 18h.
Phone : 212 966 3978
INFO@STEVENKASHER.COM
www.stevenkasher.com