VISA POUR L'IMAGE

34e FESTIVAL INTERNATIONAL DE PHOTOJOURNALISME - Perpignan


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Couvent des Minimes – 24, rue Rabelais – Perpignan

 

GORAN TOMASEVIC – Entre guerre et paix

Aujourd’hui où trop souvent les paroles masquent la vérité, la photographie reste résolument du côté de la réalité. Une photo dit la vérité. Depuis près de deux siècles, la photographie est l’art qui grave l’histoire à jamais et nous empêche d’oublier, même si nous ne retenons pas toujours les leçons du passé. Dans le monde moderne, un monde de conflits, de confrontations et d’inquiétude face à l’avenir incertain de notre planète, la photographie est plus importante que jamais. C’est ce qui m’a poussé à avancer depuis trente ans que l’appareil photo est ma vie. Au cours de cette période, j’ai pu aider le monde à voir la réalité, des guerres dans les Balkans à la guerre contre le terrorisme, du Printemps arabe à la répression du soulèvement en Syrie. En Afghanistan ou en Afrique, en Irak ou en Amérique latine, j’ai eu la possibilité, et le devoir, de faire face à l’humanité dans toute sa diversité, capable du meilleur comme du pire, et de l’enregistrer pour l’éternité. Parfois l’expérience est dangereuse, parfois elle est magnifique, et toujours elle est intéressante. Les photos présentées ici ne sont qu’un petit nombre des dizaines de milliers de clichés que j’ai pris. Je cherche toujours à être suffisamment près de l’action pour rendre justice aux sujets, et témoigner de la réalité pour ceux qui voient le monde à travers l’objectif de mon appareil photo.

Goran Tomasevic


VALERIO BISPURI – Dans les chambres de l’esprit

Mon travail raconte ce qu’est la maladie mentale aujourd’hui. Dans les chambres de l’esprit est le quatrième chapitre sur la liberté perdue, après Encerrados, Paco et Prigionieri, poursuivant ainsi ma longue recherche et mon étude approfondie sur le monde des personnes invisibles. Entrer dans le monde de la souffrance psychique est une expérience complexe, délicate et exigeante, et la représenter à travers la photographie l’est encore plus. Qui sont les «fous» aujourd’hui? Que ressentent-ils? Pour répondre à ces questions, j’ai dû m’immerger dans leur réalité. Leurs gestes et leurs regards sont perdus dans un monde intérieur, un monde souvent coupé de leur environnement qu’ils perçoivent comme hostile voire effrayant, un monde qui peut les conduire à l’autodestruction. J’ai choisi de commencer mon travail par l’Afrique. C’est un continent où les pathologies mentales sont reconnues depuis peu de temps, et il est difficile de savoir combien de personnes en souffrent et où elles vivent. Elles errent souvent dans les rues des mégapoles ou restent cachées dans un village retiré. Les troubles mentaux sont encore souvent perçus comme un mal non humain, surnaturel, parfois dangereux. C’est le cas dans les pays du nord-ouest de l’Afrique (Bénin, Togo, Côte d’Ivoire), où les sorciers vaudous des villages attachent les malades mentaux aux arbres car ils considèrent que ce sont des démons. Heureusement, il existe des gens formidables comme le missionnaire Grégoire Ahongbonon qui depuis vingt ans tente de leur rendre leur dignité dans les centres d’accueil qu’il a fondés. J’ai commencé en 2018 en Zambie et au Kenya, me rendant dans les hôpitaux psychiatriques et me confrontant aux réalités les plus dures de la maladie, des toxicomanes aux malades abandonnés dans la rue, enfants comme adultes. Je suis allé dans les bidonvilles de Kibera et de Mathare à Nairobi, au Kenya, et dans le seul hôpital psychiatrique de Lusaka, en Zambie. Là-bas, j’ai vu des patients enfermés dans de petites cellules, immobiles pendant des heures, l’écume à la bouche, ou bien livrés à eux-mêmes, arpentant les rues et se réfugiant dans les marchés. Certains étaient nés ainsi, d’autres étaient devenus fous à cause d’une consommation immodérée de drogues, d’autres encore avaient perdu leurs repères spatiaux et temporels à la suite d’un traumatisme émotionnel. Durant la crise sanitaire, j’ai travaillé en Italie, de l’admission d’urgence dans les cliniques psychiatriques à la maladie mentale en prison. J’ai passé des journées entières avec les patients : pendant leurs crises aiguës et pendant de nombreux après-midi où nous nous asseyions de longs moments sur un canapé ou jouions aux cartes. Pendant tout le temps où je n’ai pas pris de photos, j’ai appris à les connaître, à les regarder, à essayer de les comprendre. Puis en 2021, je suis allé au Bénin et au Togo, pour poursuivre le chapitre sur l’Afrique qui est présenté dans cette exposition. J’ai toujours pensé que le travail d’un photojournaliste qui raconte des histoires nécessite de la patience et du courage pour que ses émotions correspondent à la réalité. Avant de prendre une photo, j’attends, j’essaie de suivre le temps de la personne que j’ai en face de moi. Qui est cette personne ? Que ressente elle ? Souffre-t-elle mentalement ?

Valerio Bispuri


 

BRENT STIRTON / Getty Images pour National Geographic – Viande de brousse : à l’origine des épidémies

Ebola, Covid-19, SRAS, variole du singe et autres maladies zoonotiques surviennent lorsqu’un agent pathogène passe d’un animal sauvage à l’homme et peuvent se transformer en épidémie ou en pandémie. Des millions de personnes à travers le monde consomment de la viande de brousse, qui est une importante source d’alimentation pour de nombreuses communautés rurales. Cette viande est souvent perçue comme plus saine, et de solides croyances culturelles viennent renforcer cette idée. La viande de brousse pouvant atteindre des prix élevés, elle est souvent vendue par les chasseurs eux-mêmes, mais rarement consommée là où elle a été chassée. Après cette première vente, la viande est transportée vers les villes les plus proches où sa valeur peut tripler. Il existe par ailleurs un marché international, principalement à destination de la diaspora africaine en Europe, ainsi qu’un important marché en Asie. Le trafic d’animaux sauvages à destination des villes pour répondre à une demande non essentielle constitue une menace majeure pour de nombreuses espèces animales. À mesure que les populations urbaines augmentent, la demande des consommateurs en viande de brousse augmente, exerçant une pression toujours plus grande sur la faune. Ce commerce est particulièrement intense dans le bassin du Congo. Kinshasa, en République démocratique du Congo, et Brazzaville, en république du Congo, sont deux capitales séparées uniquement par le fleuve Congo. Réunies, elles forment la troisième agglomération urbaine d’Afrique avec une population totale de 15 millions d’habitants, et d’ici 2050, Kinshasa sera sans doute la quatrième mégalopole du monde. Selon une étude menée par la Wildlife Conservation Society, on estime que plus de 33 000 tonnes de viande de brousse sont vendues chaque année à Kinshasa, faisant de cette ville le centre névralgique de ce commerce mondial. Si d’autres sources de protéines animales telles que le bœuf et le poulet sont largement disponibles dans ces villes, manger de la viande de brousse revêt une importance sociale et culturelle, et elle est ainsi davantage consommée comme un mets de luxe que pour répondre à des besoins nutritionnels.
Ce commerce favorisant l’importation de nouveaux agents pathogènes dans les villes densément peuplées, cela augmente le risque de maladies zoonotiques. Dans le cas des chauves-souris frugivores (ou roussettes) montrées dans ce reportage, des épidémiologistes étudiant des colonies de ces mêmes chauves-souris ont constaté que jusqu’à 33 % d’entre elles sont positives au virus Ebola ou à d’autres fièvres hémorragiques virales. Le constat est simple : la faune sauvage disparaît des zones naturelles et la situation n’est pas viable à long terme. Des alternatives doivent être trouvées, dont certaines sont présentées dans ce reportage : la pêche durable, l’élevage de larves de charançon, ou encore la nouvelle technologie révolutionnaire de «viande in vitro» cultivée entièrement en laboratoire. Cette production devrait être prochainement autorisée aux États-Unis et en Chine.

Brent Stirton

Une grande partie de ce reportage est le fruit d’une collaboration avec le Programme de gestion durable de la faune sauvage de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture).

 


 

MAÉVA BARDY / Fondation Tara Océan, Avec la participation du Figaro Magazine – Le douzième voyage de la goélette Tara

Le douzième voyage de la goélette Tara En octobre 2022 s’achèvera la douzième expédition de la Fondation Tara Océan. Lancée fin 2020, la mission Microbiomes s’était fixé comme vaste ambition d’étudier le peuple invisible de l’océan; ces organismes microscopiques, encore mal connus des scientifiques, qui constituent pourtant la pierre angulaire de l’écosystème marin. Embarqués à bord de la mythique goélette dans le sillage des grands navires d’exploration comme le HMS Beagle de Darwin ou l’Endurance de Shackleton, des biologistes et biogéochimistes du monde entier ainsi que des marins émérites se sont succédé pendant vingt-deux mois pour parcourir les mers jusqu’aux confins de notre planète. Entre autres chapitres de cette mission Microbiomes, cette exposition se concentre sur un segment très particulier dans l’histoire de Tara Océan: une grande expédition en mer de Weddell, à l’est de la péninsule antarctique. Dans ces eaux glaciales des soixantièmes déferlants jalonnées d’icebergs gigantesques, l’équipage de Tara a souhaité étudier l’effet de la fonte des glaces sur la composition d’une mer qui agit naturellement comme l’un des plus grands puits de carbone de la planète. Près de 30 % du CO2 émis par l’activité humaine est séquestré par l’océan – et à lui seul, l’océan Austral capture 40 % de cette quantité. Comprendre comment cet écosystème réagit à la fonte des glaces – fonte qui s’accélère dangereusement comme en témoignent les températures records enregistrées en mars 2022 en Antarctique – est donc d’une importance primordiale pour anticiper les changements auxquels notre espèce sera confrontée. Tandis qu’aujourd’hui la plupart des expéditions océanographiques sont organisées à bord de grands navires ou d’imposants brise-glaces, la Fondation Tara Océan continue de défendre son modèle amorcé en 2003, prouvant que de sérieuses études scientifiques peuvent être menées à bord de voiliers moins coûteux, avec moins d’impact environnemental, mais aussi avec une plus grande souplesse technique et logistique. Grâce à des partenariats avec l’UNESCO, l’Union européenne et des laboratoires scientifiques internationaux, Tara Océan a su repenser la manière de faire de la recherche fondamentale. Et ainsi continuer à explorer notre monde comme les navigateurs d’antan.

Vincent Jolly, grand reporter au Figaro Magazine

 


 

SELENE MAGNOLIA – ZOR : Dans le plus grand ghetto rom d’Europe

Dans l’Europe actuelle confrontée à des flux migratoires sans précédent, la montée des mouvements nationalistes non seulement le long des frontières mais également à l’intérieur des pays a contraint des minorités à vivre dans des ghettos, isolées, comme s’il s’agissait de plaies qu’il faudrait guérir et éviter qu’elles contaminent leur environnement. En 2019, l’Europe comptait plus de 11 millions de Roms, Sintis et Gitans, l’équivalent de la population de la Belgique. Mais les communautés roms sont victimes d’une discrimination systématique. En juin 2021 en République tchèque, un Rom est mort étouffé par des policiers qui l’ont maintenu au sol en appuyant un genou sur son cou. En novembre 2021 en Grèce, une petite fille rom est morte écrasée par un portail automatique, après avoir agonisé pendant plus d’une heure où les passants ont détourné le regard. Selon l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) dans sa deuxième enquête sur les minorités et la discrimination (EU-MIDIS II), 80% des Roms sont exposés à la pauvreté. Selon la même enquête, les Roms constituent la plus grande minorité d’Europe et subissent davantage de discrimination que les autres groupes étudiés. Stolipinovo, dans la ville de Plovdiv en Bulgarie, est le plus grand ghetto gitan d’Europe. Quartier comme les autres à l’époque communiste, Stolipinovo s’est transformé en ghetto après la chute du communisme lorsque les Gitans, victimes de discrimination raciale, ont perdu leurs emplois à la suite de la privatisation des entreprises industrielles. Aujourd’hui, les résidents de Stolipinovo (environ 80000 selon le Forum européen pour la démocratie et la solidarité) sont des parias aux yeux des citoyens bulgares de Plovdiv. Les habitants du ghetto de Stolipinovo sont d’origine turque, parlent le turc et revendiquent leur identité turque. S’ils sont majoritairement musulmans, il existe cependant une diversité d’identités religieuses au sein de la communauté, y compris le paganisme. L’organisation sociale est fondée sur la cellule familiale, avec une répartition des rôles bien définie entre les hommes et les femmes, et une hiérarchie interne selon le respect qu’ils inspirent à la communauté et leur richesse. Les traditions culturelles sont des valeurs fondamentales : les grands événements de la vie sont fêtés en public, souvent dans la rue, et sont ouverts à toute la communauté. Discriminés, victimes de stéréotypes perçus comme à l’opposé du mode de vie local et de la culture bulgare, les Gitans du ghetto de Stolipinovo vivent dans des conditions insalubres, et les problèmes sanitaires, sociaux et de logement sont critiques. En proie à un environnement hostile et à la montée des sentiments nationalistes, Stolipinovo apparaît comme un portrait de la discrimination systématique en Europe au XXIe siècle.

Selene Magnolia

 


 

photographs by de 5 sur 25 expositions

From 27/08/2022 to 11/09/2022
Couvent des Minimes
24, rue Rabelais
66000 Perpignan
France

Opening hours : Entrée libre - De 10h00 à 20h00
Phone : 0142339318
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www.visapourlimage.com