Prix Carmignac Gestion du photojournalisme 2013Le 30 août 2012, Grozny, Tioumen et Kazan étaient considérées comme les villes russes où la vie est des plus agréables par l’agence News-Effector selon les critères suivants : l’écologie, la sécurité et un développement dynamique. Comme en témoignent de nombreux articles en ligne à ce sujet, les Tchétchènes sont désormais perçus comme les simples sujets de la Fédération de Russie et non d’une république autonome. L’extravagante prolifération de constructions les plus abracadabrantes élimine toute trace des guerres passées, ici la notion même de ruine est interdite pour celles et ceux qui sont restés après les guerres.Davide Monteleone, muni de son Alpa 12 TC, a saisi les forêts et les montagnes. La « forêt » était le terme utilisé par les Tchétchènes pour représenter le lieu où se cachaient des séparatistes islamistes qui combattaient armes à la main les autorités russes et tchétchènes en 2009. Vedeno, ancien centre historique de la rébellion tchétchène, Shikara, Shara, le lac gelé Kezenoy-am – où un site touristique proche de la frontière avec le Daghestan sera prochainement construit pour plus de 3 milliards de roubles – symbolisent l’Histoire sombre de ce pays où les fantômes rebelles font toujours trembler les autorités. Les photographies de Davide Monteleone, rigoureusement pensées investissent ce territoire et apportent des points de lumière par un noir et blanc diffus qui ouvre l’espace, comme une ultime tentative de résistance. L’autre facette de la société tchétchène, présentée à l’exposition, est l’évolution de la place des femmes, particulièrement symptomatique des changements induits de la première guerre (1994-1996). Alors que le nombre de jeunes filles données en mariage dès l’âge de treize ou quatorze ans avait augmenté il y a encore trois ans, la loi fédérale interdit aujourd’hui cette pratique, bien que Kadyrov n’y soit pas personnellement opposé. Le voile est obligatoire sous Kadyrov, alors que lui et son entourage prônent et pratiquent ouvertement la polygamie. Même si l’islamisation en Tchétchénie évolue de façon radicale, aujourd’hui la vente d’alcool est rigoureusement encadrée alors qu’ en 2009, la consommation d’alcool était encore facilement accessible. A l’heure de la mondialisation, dérive la Tchétchénie dans l’outrancier gouffre de compromis artificiels, masqués par la peur.Nathalie GALLON
Directrice du Prix Carmignac Gestion
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