REVOIR PARIS
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Pour sa première exposition après réouverture, le musée Carnavalet – Histoire de Paris s’associe avec la Fondation Henri Cartier-Bresson pour mettre en lumière l’importance de Paris dans la vie et l’oeuvre d’Henri Cartier-Bresson, l’un des plus grands photographes français du XXe siècle. Le musée revisite les liens tissés par l’artiste avec une ville où il a toujours habité et qui l’a nourri artistiquement.
Après des débuts marqués par l’influence du photographe Eugène Atget et des artistes surréalistes, Cartier-Bresson se découvre voyageur au long cours, avec Paris comme port d’attache. Dans cette ville, qu’il ne cesse de redécouvrir, c’est d’abord l’être humain qui l’intéresse. Il le saisit dans la rue ou à l’occasion de rencontres. Il témoigne aussi de grands événements d’actualité comme la Libération de Paris en août 1944 et Mai 68. Il gagne, dès qu’il le peut, les lieux de manifestations.
À Paris, comme ailleurs, son appareil photo ne le quitte pas. Photographier est une respiration, une affirmation, une protestation parfois. Ses images parisiennes qui figurent en bonne place dans son oeuvre, témoignent de ses errances mais sont également prises dans le cadre de reportages et commandes souvent méconnues pour la presse internationale – Cartier-Bresson n’en retient généralement qu’une image dans ses livres et expositions. Cette mosaïque définit un flâneur particulièrement attiré par les quais de la Seine et le Paris des marges.
Fruit d’un travail de recherche de plusieurs années, l’exposition présente des tirages originaux dont une trentaine d’inédits, des publications, ainsi que des enregistrements audiovisuels de l’artiste.
Les photographies sont issues pour majorité des collections du musée Carnavalet et de la Fondation Henri Cartier-Bresson.
Conçu conjointement par les deux institutions, ce projet résonne avec l’exposition Eugène Atget – Voir Paris présentée à la Fondation HCB et réalisée à partir des collections du musée Carnavalet.
Un ouvrage comprenant les essais des commissaires et 200 reproductions est publié aux Éditions Paris Musées.
Cette exposition est organisée par le musée Carnavalet – Histoire de Paris, Paris Musées et la Fondation Henri Cartier-Bresson.
Parcours de l’exposition
L’errance est le trait d’union entre les deux facettes de Cartier-Bresson à Paris. Il est à la fois un flâneur libre et aimanté par les quais de la Seine ou le Paris des marges et l’auteur – bien moins connu – de très nombreux reportages et commandes pour la presse internationale, dont il ne retient souvent qu’une image dans ses livres et expositions.
De cette mosaïque, il ressort un lien complexe entre sa ville et sa photographie : Paris incarne la vie entre les voyages et il est le lieu où commence et où s’achève l’œuvre, là où elle n’est jamais en pause et s’accomplit
Paris, le creuset artistique (1929-1933)
Henri Cartier-Bresson devient photographe en adoptant le Leica, un appareil à main qui se porte à hauteur d’œil. Il est adapté à son ambition : composer des images sur le vif.
Mais l’artiste apprend à voir avec la peinture, notamment au musée du Louvre, et à comprendre le monde à travers la littérature. Issu d’une famille de la grande bourgeoisie, il n’a pas le désir de reprendre l’entreprise familiale de cotons à coudre.
En 1926, à 18 ans, il rejoint l’atelier du peintre cubiste André Lhote. C’est là qu’il forge son goût pour la géométrie. Il fréquente aussi les surréalistes, assiste aux débats organisés autour d’André Breton dans les cafés de la rive droite et adhère à l’esprit de révolte qui anime ce groupe.
À partir de 1929, il expérimente la photographie avec plusieurs appareils : un Kodak à soufflet qu’il tient au niveau de l’abdomen, une chambre qu’il pose sur un pied, puis un appareil miniature Krauss, acheté en Afrique.
Il s’inspire parallèlement des images de photographes modernes, aussi bien les vitrines enregistrées par Eugène Atget que les instantanés d’André Kertész publiés dans la presse d’avant-garde.
En 1933, il retient plusieurs de ses premières images parisiennes pour une exposition, qui a lieu à la galerie Julien Levy à New York.
« C’est au surréalisme que je dois allégeance, car il m’a appris à laisser l’objectif photographique fouiller dans les gravats de l’inconscient et du hasard. »
Henri Cartier-Bresson, 1995
Engagement professionnel (1936-1938)
Avant de faire de la photographie son métier, Cartier-Bresson connaît une période militante. Comme beaucoup d’intellectuels, il se rapproche du parti communiste après les émeutes du 6 février 1934 afin de participer à la lutte antifasciste. Il rejoint aussi l’Association des artistes et écrivains révolutionnaires et participe, en 1935, à l’exposition « Documents de la vie sociale ». Estimant qu’il est difficile de porter le nom d’une grande famille industrielle, il signe alors Henri Cartier.
Après avoir réalisé des images au Mexique et aux États-Unis, Cartier-Bresson se construit une indépendance financière à Paris en devenant assistant sur des films de Jean Renoir et surtout en commençant à publier des reportages dans la presse communiste mais sans grande satisfaction.
En mars 1937, avec ses amis David Seymour, dit Chim, et Robert Capa, il devient salarié du quotidien Ce soir dirigé par Aragon. Il publie parallèlement dans l’hebdomadaire Regards des sujets sur les loisirs populaires, toutefois les images imprimées sont rarement celles qu’il retiendra plus tard pour ses expositions ou ses livres
La Libération de Paris (août 1944)
À la suite du pacte de non-agression entre l’Allemagne et l’Union soviétique, le 23 août 1939, le gouvernement français interdit L’Humanité et Ce soir. Juste avant d’être mobilisé, Cartier-Bresson fait le tri dans ses négatifs, conserve les vues qui l’intéressent et détruit le reste Capturé le 22 juin 1940 dans les Vosges, il s’évade le 10 février 1943, se cache pendant trois mois dans une ferme en Indre-et-Loire puis rejoint la Résistance à Lyon. Il obtient de faux papiers grâce au Mouvement national des prisonniers de guerre et des déportés (MNPGD) et effectue des allers-retours entre la province et Paris.
Le 19 août 1944, il regagne la capitale alors que les troupes américaines sont à ses portes. Il y retrouve d’autres photographes dont Robert Doisneau, Brassaï, René Zuber et travaille en association avec eux. La Libération de Paris est un des rares grands événements d’actualité que couvre Cartier-Bresson.
Il quadrille la capitale pendant plusieurs jours en évitant les combats, suit l’édification des barricades, le défilé du général de Gaulle, et photographie aussi les locaux abandonnés de la Gestapo.
« Je serai toujours un prisonnier évadé. » Henri Cartier-Bresson, 2003
Premiers portraits sur commande (1944-1946)
Avant la Libération, Cartier-Bresson photographie des peintres et des écrivains, à la demande de l’éditeur Pierre Braun, afin d’illustrer une série de petites monographies, « Visages d’aujourd’hui », qui ne seront jamais publiées.
Carmel Snow, directrice du mensuel américain Harper’s Bazaar, spécialisé dans la mode, lui commande d’autres portraits d’artistes, écrivains et créateurs de mode, dont beaucoup vivent à Paris.
Ces séances de portrait prolongent l’esthétique de l’instantané chère au photographe. Les visages saisis dans la rue donnent l’impression d’une rencontre fortuite alors que ceux réalisés en intérieur semblent plus le résultat d’une visite de courtoisie que d’une séance de pose.
En revisitant son œuvre en vue d’une exposition au Museum of Modern Art de New York, en 1947, Cartier-Bresson sélectionne de nombreux portraits réalisés depuis 1944. En 1946, il tire lui-même quelque trois cent cinquante épreuves de petit format dont plusieurs sont exposées ici.
« Un géomètre du vif » (1951-1966)
En 1947, avec notamment ses amis Chim, Robert Capa et le Britannique George Rodger, Henri Cartier-Bresson fonde à New York l’agence Magnum Photos, une coopérative chargée de diffuser leurs reportages et de défendre leur droit d’auteur. Ils décident alors de se partager le monde, Cartier-Bresson choisit l’Asie, où il passe trois ans – le voyage le plus long de sa vie et de sa carrière.
Il est de retour à Paris en novembre 1950 avec comme trophées des parutions nombreuses et prestigieuses liées à des événements majeurs, notamment la mort de Gandhi en Inde et la création de la Chine populaire par Mao Tsé-toung.
Au printemps 1951, le New York Times le sollicite pour un sujet sur Paris qu’il étoffe les années suivantes afin de le proposer à des magazines étrangers. Entre deux voyages, Leica au poing, celui qui est devenu le maître de l’instantané poursuit ses déambulations à Paris, une ville qui entre dans les trente glorieuses. Ses images de la capitale sont à la fois issues de flâneries et de reportages, publiés ou non.
« J’ai une passion pour la géométrie et la joie c’est d’être surpris par une belle organisation de formes. Par là seulement le sujet prend toute son ampleur et son sérieux. »
Henri Cartier-Bresson, 1961
Attentif aux révoltes
Les manifestations dans les rues de Paris, animées par la résistance et la lutte, sont un motif récurrent dans l’œuvre de Cartier-Bresson. Cette attirance est liée à son caractère et à ses idées libertaires qui expliquent son éloignement du milieu familial, justifient ses liens avec le mouvement surréaliste et plus tard rejoignent ses convictions anticonsuméristes et écologistes.
Les rassemblements humains, dans une ville qui les attire tant, sont également un motif de choix pour un photographe qui cherche, au moyen du cadrage, à mettre de l’ordre dans le chaos. Il assiste aux manifestations qui émaillent la fin de la IVe République en 1958. Il est aussi présent pour l’hommage aux victimes tuées dans la station de métro Charonne en 1962.
Alors qu’il prend ses distances avec le photojournalisme, il témoigne des événements de Mai 68, qu’il restitue de façon globale et complexe : d’un côté, les étudiants élevant des barricades, occupant la Sorbonne, ou marchant avec les travailleurs ; de l’autre, les partisans de De Gaulle, sur les Champs-Élysées, qui sonnent le glas du mouvement.
Henri Cartier-Bresson, 1961
Changement de cap après 1968
Après les événements de Mai 68, Cartier-Bresson s’éloigne de l’agence Magnum Photos et de la presse illustrée afin de retrouver la liberté qui guidait sa photographie à ses débuts. À 60 ans, il voyage beaucoup moins aussi.
En octobre 1968, à la demande du Reader’s Digest, il entame un travail en profondeur sur la France et les Français, prenant le temps d’observer son pays pendant un an, à toutes les saisons. Il restitue cette exploration, en noir et blanc mais aussi en couleurs, dans le livre Vive la France (1970) avec un texte de l’écrivain François Nourissier. Cette moisson d’images est exposée au Grand Palais la même année.
Dans ce tableau français qu’il représente apaisé après la révolte de Mai 68, Paris occupe une place importante, la proche banlieue aussi, entre construction de grands ensembles et persistance de bidonvilles, soit la confrontation de deux mondes qui s’ignorent et se télescopent.
Cartier-Bresson prolonge ainsi son exploration des limites géographiques de la capitale, entamée dès la fin des années 1920, mais toujours en privilégiant l’humain sur le décor.
Finir en dessin
En 1972, à 64 ans, après avoir annoncé qu’il arrêtait la photographie, ce qui est partiellement vrai, Cartier-Bresson demande à l’artiste Sam Szafran de lui donner des cours de dessin. Son ami Tériade, l’éditeur d’Images à la sauvette, et d’autres proches l’encouragent dans cette démarche.
Cartier-Bresson a besoin de se remettre en question, d’échapper à la routine et à la notoriété.
Il pratique un dessin d’observation, classique, dans sa ville, qu’il aborde de façon radicalement différente qu’avec son appareil photographique.
Paris n’est plus un décor mais devient le sujet central, évacuant les personnages du cadre. Estimant que la photographie est une action et le dessin une méditation, Cartier-Bresson se pose enfin. Il ne bouge pas, il s’assoit pour regarder des heures dans la même direction. Depuis son appartement de la rue de Rivoli, il observe le jardin des Tuileries, porte son regard jusqu’au Louvre et au musée d’Orsay, qu’il a tant visités.
Mais jusqu’à la fin de sa vie, il tient son appareil toujours près de lui pour, à l’occasion, saisir un visage ou une vue plus fugitive de ce même jardin.
« La photo est une action immédiate ;
le dessin une méditation. » Henri Cartier-Bresson, 1996
Conclusion
Le Paris de Cartier-Bresson est une mosaïque construite au fil d’une vie, de rencontres, de quelques événements historiques et de très nombreux petits reportages de société, souvent méconnus, qu’il réalise pour la presse et l’édition.
Cartier-Bresson ne s’est jamais étendu sur le choix de ces sujets, ni sur leurs conditions de réalisation, encore moins sur les contraintes auxquelles il devait se plier. Son tour de force est d’avoir construit une cohérence à partir d’images diverses.
Se dessine ainsi un artiste libre qui cultive les contraires : le reportage et l’image isolée, Paris et le reste du monde, la photographie et le dessin, l’engagement mais sans parti, la commande et son propre rythme… Ces contradictions manifestes définissent un flâneur entre deux rives
BILLETTERIE : Réservation obligatoire sur carnavalet.paris.fr
From 15/06/2021 to 31/10/2021
MUSÉE CARNAVALET – HISTOIRE DE PARIS
23, rue de Sévigné
75003 Paris
France
Opening hours : Le musée est ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h.
Phone : 01 44 59 58 58
alice@pierre-laporte.com
www.carnavalet.paris.fr