NO GO ZONE

Fukushima, Japon - 2011 / 2014


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En mars 2011, nous avons découvert, hallucinés, le no man’s land autour de la centrale nucléaire. Dans le centre-ville d’Odaka à une quinzaine de kilomètres de la centrale, le temps s’était subitement interrompu. Un canapé avait été laissé au milieu de la route, un chat regardait par la vitre d’une fenêtre couverte de boue comme s’il attendait le retour de ses maîtres, une musique ringarde continuait de résonner à l’intérieur d’une laverie automatique. Ces détails rappelaient l’urgence avec laquelle les 80 000 résidents de la zone interdite avaient pris la fuite, un territoire d’un rayon de 20 km autour du site de Fukushima Daiichi ayant été évacué en seulement quelques jours. Au milieu des villes désertes, nous croisions pourtant de rares habitants : des résidents en masque et combinaison radiologique courant affolés, des policiers un peu perdus ne sachant pas quelle instruction donner ou encore un éleveur essayant de sauver ses chevaux affamés. Plusieurs de ses chevaux, abandonnés pendant plusieurs semaines à cause de l’évacuation, gisaient dans cette étable en grande partie détruite par le séisme et le tsunami. De notre côté, nous avancions, les yeux rivés sur notre dosimètre : « C’est donc cela un accident nucléaire ». Six mois plus tard nous avons voulu convertir ce choc initial en un projet artistique personnel. « Fukushima no go zone » était né. Ce travail au long cours allait durer six ans et nous a conduit à de multiples reprises dans la zone interdite de Fukushima. Notre première photographie a été prise en décembre 2011. Munis d’une combinaison radiologique et d’un laisser passer, nous avons pu franchir le check-point, à 20 km de la centrale nucléaire.  Les activités journalistiques et artistiques à l’intérieur de la zone interdite étant strictement limitées, nous étions habités par la menace d’une interpellation par la police. Pendant toute la durée de notre travail à Fukushima, la peur des autorités l’a finalement emporté sur la crainte de la radioactivité qui représentait à nos yeux un danger moins palpable et immédiat.

Tard dans la soirée, nous avons rejoint la gare de Tomioka, à 7 km de la centrale nucléaire et qui avait été entièrement submergée par le tsunami. Au milieu des rails, notre lampe frontale a éclairé une épave de voiture. Cette apparition inattendue – symbolique pour nous du tsunami et de l’évacuation des habitants – a donné lieu à la première photo de la série « A no man’s land ». Et d’une certaine façon, elle a donné le ton à tout notre travail photographique.
Série « Mauvais rêves » Comment montrer ce qui ne se voit pas ? Ce qui ne se sent pas ? Nous avons choisi de délaisser l’approche documentaire pour la mise en scène, seule façon de révéler l’invisible. Directement touchés dans leurs corps et dans leur cœur par la menace de la radioactivité, les résidents de Fukushima eux-mêmes ont été sollicités pour désigner la frontière impalpable entre ce qui est contaminé et ce qui ne l’est pas. Frontière subjective s’il en est. Pourtant, les villes, les campagnes et les forêts sont divisées entre des zones interdites et d’autres pas. Pour montrer ces limites et leur flou, nous avons choisi un film étirable ou encore une bulle. Précision utile : les mises en scène sont bien réelles, les logiciels de retouche n’ont été utilisés qu’à la marge. Avec la série « Mauvais rêves », la fiction révèle le réel et non l’inverse.
Carlos AYESTA et Guillaume BRESSION
www.fukushima-nogozone.com

Photographies Carlos AYESTA et Guillaume BRESSION

Du 20/05/2015 au 18/05/2015
Galerie FAIT & CAUSE
58 rue Quincampoix
75004 PARIS
France

Horaires : Du mardi au samedi de 14h00 à 19h00
Entrée libre

Téléphone : 01 42 74 26 36
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